Ornette Coleman

Naissance

9 Mars 1930, Fort Worth, Texas, United States

Biographie

Il est rare qu'un musicien soit crédité à l'origine d'un genre et le symbolise d'une façon unique, comme l'est Ornette Coleman avec le free jazz. Enfant du Texas attiré par le saxophone ténor et passionné de théroie musicale, l'auteur de « Tomorrow Is the Question » (1930-2015) renverse le système tonal pour établir ses propres règles et diviser à jamais les amateurs de jazz entre deux tendances, l'ancienne et la sienne, à coups d'albums libres de contraintes tels Something Else!!! (1958), The Shape of Jazz to Come (1959), Free Jazz ou Change of the Century (1960), dont les intitulés sans tromperie sonnent comme des manifestes. Après avoir révolutionné la façon d'écouter du jazz et l'introduire dans l'ère moderne avec ses complices Red Mitchell, Don Cherry, Charlie Haden, Eric Dolphy et Freddie Hubbard, Ornette Coleman sort du jeu au moment où son audace est reconnue. Présent par éclipses au cours des années 1970, il fait un retour par le jazz rock et les musiques d'ailleurs puis, en 1987, reforme son quartette visionnaire pour In All Languages. En 1991, il signe la musique du film inspiré du Festin nu de William Burroughs avant de se raréfier en studio comme sur scène, où ses apparitions créent la surprise, comme le suggère l'album en public Sound Grammar paru en 2006. Il meurt le 11 juin 2015 à l'âge de 85 ans.

Né à Fort Worth, au Texas, le 9 mars 1930, Ornette Coleman s'initie au saxophone à l'âge de quatorze ans. Premièrement sur un instrument alto en plastique, qu'il réutilisera sur ses premiers enregistrements, puis au saxophone ténor deux ans plus tard. Admirateur de Charlie Parker, le jeune musicien se frotte au rhythm'n'blues au sein de groupes incluant Red Connors et Pee Wee Crayton, sans déclencher l'enthousiasme.

Établi à Los Angeles en 1950 après un détour par la Nouvelle-Orléans, Ornette Coleman vit de petits métiers (notamment comme garçon d'ascenseur) tout en se plongeant dans des ouvrages de théorie musicale, un sujet qui le passionne autant que la philosophie. La nuit, à la faveur de jams dans les bars, il croise la route du trompettiste Don Cherry, qui devient son confrère privilégié, et d'autres musiciens comme Charlie Haden, Ed Blackwell ou Billy Higgins.

En 1958, après un engagement dans le quintette de Paul Bley, le saxophoniste et ses séides mettent en pratique leurs réflexions dans deux albums publiés par le label Contemporary, Something Else!!! et Tomorrow Is the Question. L'année suivante, Coleman et Cherry partent étudier à la Lenox School of Jazz grâce à une bourse obtenue par John Lewis, du Modern Jazz Quartet. C'est un engagement au club Five Spot de New York qui éveille la curiosité envers le style contre-académique d'Ornette Coleman. Sa musique, basée sur un système atonal et des fluctuations rythmiques, suscite la controverse et divise tout à la fois musiciens, critiques et amateurs de jazz. Le free jazz est né.

Avant de devenir historiques, les séances du quartette pour Atlantic déchaînent alors les passions. Le leader aux idées radicales est alors accompagné, et soutenu, par Don Cherry (trompette), Charlie Haden, Scott LaFaro ou Jimmy Garrison (contrebasse) et Ed Blackwell ou Billy Higgins (batterie). Sous leurs intitulés aux allures de manifestes, The Shape of Jazz to Come, Free Jazz et The Change of the Century rompent avec la tradition et représentent plus qu'une alternative, un véritable contre-pouvoir musical, bientôt suivi par d'autres défricheurs (John Coltrane, Eric Dolphy, Albert Ayler). Cependant, il faudra attendre plusieurs années avant que le musicien et théoricien ne soit reconnu à sa juste valeur. En 1966, alors qu'il sort d'une mini-retraite passée à maîtriser la trompette et le violon, la revue spécialisée Downbeat le sacre « musicien de l'année ».

Dans la seconde moitié des années 1960, en trio avec David Izenzon et Charles Moffett, puis en quartette avec Charlie Haden, Dewey Redman et Ed Blackwell (parfois remplacé par son fils Denardo Coleman), le créateur du free jazz continue d'enregistrer pour différents labels (Blue Note, Columbia) et de créer la surprise en concert où il met un point d'honneur à proposer des créations plutôt que de répéter son répertoire. Dans les années 1970, le saxophoniste monte un double quartette baptisé Prime Time (1978), avec Ronald Shannon Jackson et Jamaaladeen Tacuma, dont les compositions « harmolodiques » et dissonnantes se rapprochent du jazz rock, du funk et des traditions ethniques. En 1985, l'album Song X composé avec Pat Metheny réunit Charlie Haden, Jack DeJohnette et Steve Coleman.

En 1987, c'est avec son quartette original que le musicien visionnaire effectue un retour au free jazz avec l'album In All Languages, toujours aussi surprenant. Fraîche comme au premier jour, sa curiosité se renouvelle sur l'enregistrement suivant Virgin Beauty (1988). Toutefois, les apparitions scéniques ou en studio d'Ornette Coleman ont tendance à s'espacer davantage. En 1991, il s'associe au compositeur Howard Shore pour la bande originale du film Le Festin nu, tiré du roman de William Burroughs. Quelques années plus tard, Ornette Coleman revient avec Sound Museum, Three Women (1996).

Une décennie après sort Sound Grammar, enregistrement capté lors d'une de ses rares prestations publiques, un concert en Allemagne. Le 11 février 2007, entre autres honneurs comme le Prix Pulitzer, le musicien qui a dévié le cours de l'histoire du jazz reçoit un Grammy Award pour l'ensemble de son oeuvre. En 2009 lui est décerné un Miles Davis Award au Festival international de Montréal, puis en 2010 le titre de docteur honoris causa de l'Université du Michigan. Le 11 juin 2015, l'auteur de « Lonely Woman » succombe à une crise cardiaque à l'âge de 85 ans. Dès l'annonce de son décès, la presse mondiale et internet saluent la mémoire d'un authentique créateur et géant du jazz.