Grand Funk Railroad

Biographie

Aujourd’hui bien oublié, ce trio de hard rock américain est le premier du genre à s’être imposé localement, avant le déferlement de ses successeurs et des concurrents européens. En l’espace de cinq ans (1969-1974) il a vendu plus de douze millions d’albums rien que sur son territoire et obtenu deux titres n°1 au hit parade, tout en devenant le premier groupe à jouer dans des stades, engrangeant des recettes considérables. Vilipendé par une critique unanime en Europe, sa formule primitive, binaire et bâtie sur des improvisations approximatives (Live Album en 1970) a connu un certain succès auprès d’un jeune public avide de décibels et de simplicité.

Atlanta

C’est dans la ville industrielle de Flint dans le Michigan que le disc jockey Richard Knapp (alias Terry Knight) forme en 1968 son groupe Terry Knight & The Pack, lequel compte Don Brewer à la batterie et le bassiste Mark Farner. Tous deux créent leur propre formation, avec l’ex-bassiste du groupe concurrent ? & The Mysterians (« 96 Tears »), Mel Schacher, Mark Farner prenant une guitare et le micro de Terry Knight qui devient leur manager, baptisant le trio d’après le nom de la compagnie locale Grand Trunk Western Railroad.

Une apparition remarquée au festival Pop d’Atlanta le 4 juillet 1969 leur vaut une signature chez Capitol Records qui ne va pas regretter son acquisition, car l’année suivante G.F.R. est le plus gros vendeur de disques de l’année aux Etats-Unis pour un groupe rock avec dix millions de disques, grâce à des opérations marketing novatrices. G.F.R. propose un rock binaire terriblement efficace, caractérisé en scène par un volume sonore jamais atteint jusqu’ici et qui devient sa « marque de fabrique ».

L’album « rouge »

Si Mark Farner compose la majorité du répertoire, ce sont les reprises sur vitaminées et interminables que le public plébiscite, comme le « Inside Looking Out » d’Eric Burdon & The Animals, pièce de résistance du deuxième album fin 1969, le fameux « album rouge » descendu par la critique internationale et vendu comme des petits pains. Ce morceau est le point culminant du Live Album à la fin de l’année suivante, n°5 aux Etats-Unis et qui détiendra longtemps le titre de plus grosse vente d’album enregistré en public. Sur la vague du succès des albums précédents et des tournées marathon lucratives, battant tous les records de recettes (The Beatles au Shea Stadium, ou The Rolling Stones et même Elvis Presley), Grand Funk tout court varie ses compositions en avril 1971 pour Survival qui marque une évolution, et dont la reprise inspirée, avec chœurs Gospel et fausse fin « Gimme Shelter » n’est pas le massacre décrié par les inconditionnels de The Rolling Stones.

Après la sortie de E Pluribus Funk en novembre suivant (le sixième album en trois ans d’existence !) avec sa pochette ronde argentée imitant une pièce de monnaie, le trio vire son manager lors d’un procès retentissant, manquant de perdre l’usage de son patronyme. Sa carrière connaît un passage à vide, malgré l’arrivée du claviers Craig Frost venu étoffer le son de Phoenix, mais qui n’est même pas sur la photo de pochette et ne sera jamais institué membre officiel du groupe.

Nous sommes un groupe a-m-é-r-i-c-a-i-n

Après avoir vendu un disque toutes les cinq secondes en 1971 (!), baisse de forme du trio vite comblée en 1973 grâce à la chanson orgueilleuse de Don Brewer « We’re An American Band » et la production signée Todd Rundgren de l’album du même titre. N°1 aux Etats-Unis le 29 septembre, ce succès est suivi en 1974 par une formidable reprise de « The Loco-Motion », n°1 lui aussi douze ans après sa création par Little Eva, co-écrite par Carole King (exemple rarissime d’une chanson n°1 par deux artistes différents), et enfin par une autre reprise écrite par Carole King, « Some Kind Of Wonderful » (encore des chœurs Gospel), n°3 début 1975, et chant du cygne du trio infernal avec « Bad Time » trois mois plus tard. Grand Funk échelonne ensuite une série d’albums inconsistants, malgré la production inattendue de Frank Zappa pour Good Singin’ Good Playin’ en 1976.

Le trio se sépare peu après la sortie de l’album. Mark Farner part en solo, les trois autres formant le groupe Flint sans succès. Au début de la décennie suivante, Mel Shacher occupé à sa boutique de disques, Mark Farner et Don Brewer remontent Grand Funk dans la quasi-indifférence, laissent vite tomber, Farner se fourvoyant dans la musique religieuse, Brewer et Craig Frost rejoignant le Silver Bullet Band de Bob Seger.

Petit funk

En 1996, les trois vétérans remettent le couvert, donnant quatorze petits concerts qui suscitent un tel engouement que Grand Funk se reforme officiellement avec le jeunot Howard Eddy Jr. (guitare, claviers & chant), tournant pendant deux ans et publiant l’album live Bosnia (suite aux concerts de charité en faveur des orphelins de guerre bosniaques). Mark Farner confie son micro en 2000 à Max Carl l’ancien chanteur de 38 Special, sa guitare à Bruce Kulik l’ex-guitariste de Kiss, Tim Cashion (ex-musicien de Robert Palmer et du Silver Bullet Band) occupe les claviers, et le quintette poursuit une carrière aussi incongrue que lucrative, exclusivement en concert. 

Il est amusant de noter que quelques chansons du groupe, sans être des reprises, possèdent le même titre que ses homonymes plus célèbres d’autres groupes, telles que « Paranoid » (Black Sabbath), « Heartbreaker » (Led Zeppelin), « Walk Like A Man » (Ten Years After) ou « The End » (The Doors)… entre autres.