The Stooges

Biographie

The Stooges, ou la décadence sauvage menée par un idiot du nom d'Iggy Pop. Apparu à la fin des années 60, le groupe, composé de jeunes américains sans repères, pratiquant un blues personnel, brutal et proche de la transe, influencera, à l'image du Velvet Underground, toute une génération de musiciens. Ils libèreront innocemment cette énergie brute qui deviendra, dix ans plus tard, rien moins que le punk. Leur courte carrière, minée par les excès liés à la drogue et au rock 'n roll, s'arrêtera en 1974, au bord du gouffre, victime des tendances autodestructrices de leur leader, l'« Iguane ». Réuni en 2003, The Stooges sort l'album The Weirdness en 2007 avant que le décès de Ron Asheton en 2009 ne mette fin à cette incarnation. Iggy Pop se tourne alors vers James Williamson avec qui il reforme Iggy & The Stooges pour des tournées et l'album Ready to Die en avril 2013.

Ann Arbor est une ville située à quelques dizaines de kilomètres de Detroit, James Osterberg, alias Iggy Pop, y a suivi ses études, dans une université huppée, et créé quelques formations éphémères (The Iguanas ou les Prime Movers). En 1967, il retourne près d'un ancien disquaire où il a déjà travaillé et y retrouve deux connaissances qui traînaient dans le coin : les frères Asheton. Ron et Scott sont deux jeunes délinquants, mais ils ont déjà formé un groupe avec un certain Dave Alexander. Fort de ce quatuor de musiciens amateurs, Iggy Pop décide de monter une formation aux influences blues et psychédéliques (le groupe s'appellera d'ailleurs à ses début The Psychedelic Stooges), se nourrissant également des travaux de John Cage ou du free jazz naissant : Sun Ra, John Coltrane, Pharoah Sanders.

Après quelques essais, dont Iggy Pop à la batterie ou Ron Asheton à la basse, la formule Stooges est trouvée : Iggy Pop au chant, Ron Asheton à la guitare, Scott Asheton à la batterie et Dave Alexander à la basse. Amateurs, ils commencent à jouer des morceaux rudimentaires, tentant d'approcher l'état de transe, leur volonté d'en découdre avec la musique est telle qu'elle va amener Wayne Kramer, le leader des MC5 (autre groupe de Detroit, au son pré-punk influencé par le free-jazz et la contestation auprès des «White Panthers »), à les prendre sous son aile. Devenus les «petits frères» des MC5, ils pénètrent la scène musicale de Detroit. Leur premier concert se déroule au Grand Ballroom fin 1967, c'est le début des galères, petits concerts et autres premières parties. Fin 1968, Wayne Kramer souffle à l'oreille de Danny Fields, alors directeur artistique dans la maison de disque Elektra (The Doors, Love...) que les frangins ont du potentiel... Il assiste à leur concert et, subjugué devant la puissance sauvage qui se dégage du groupe, les signe immédiatement.

Les Stooges continuent à vivre de manière marginale dans leur « Fun House », maison située à Ann Arbor, où ils passent leur temps à prendre des acides et répéter, menant une vie décalée proche de leurs idéaux. Danny Fields leur demande s'ils ont assez de morceaux pour enregistrer un album, la réponse ne se fait pas attendre et ils se retrouvent parachutés au studio Hit Factory à New York dès juin 1969. Elektra a dépêché John Cale du Velvet Underground à la production. L'enregistrement est bouclé en deux jours, mais John Cale en bave : les Stooges jouent systématiquement amplis au maximum et Iggy Pop refuse son mixage assez radical. De plus Nico traîne dans le studio et parasite le groupe. Elle s'installera même à la Fun House un temps, au grand dam des musiciens qui ne voient pas d'un très bon oeil l'arrivée d'une présence féminine dans cet antre testotéronée et anarchique. Elle trouvera quand même la bonne idée de ramener un cinéaste underground et de filmer leurs relations en 16 mm, essai cinématographique qu'il est devenu quasiment impossible de visionner.

Leur premier album sorti, les Stooges continuent à jouer, flanquant une claque à toute la génération hippie, peu habituée à un tel déferlement de décibels, de folie et de puissance sexuelle (« I wanna be your dog ») sur fond de chroniques de la glande ordinaire (« 1969 », « No fun »). Car c'est en concert que les Stooges explosent, propulsés par un Iggy Pop abusant de drogues et de violence, imitant à outrance son héros, Jim Morrison, et devenant le second reptile et symbole sexuel de l'histoire du rock : l'iguane. C'est cette énergie donnée en concert qu'ils vont essayer de retranscrire en studio, ce que le MC5 a en partie échoué. Elektra appelle à la rescousse Don Galluci, après le refus du groupe de collaborer avec Madeira puis Eddy Kramer !. Cet ancien membre des Kingsmen (groupe de garage qui gravera la version la plus définitive du standard « Louie Louie ») enregistre à Los Angeles en mai 1970 Fun house, pierre angulaire de la discographie du groupe et futur classique de la musique punk. L'album est bouclé en deux semaines, fruit d'une collaboration avec le saxophoniste ténor Steven McKay qui apporte cette touche free-jazz parfaitement adaptée à la volonté de retranscrire le son concert du groupe. Il est porté par les hymnes urbains d'une jeunesse qui s'ennuie (« Down on the street », « 1970 »), marqué par les compositions simples mais dévastatrices de Ron Asheton et le charisme d'Iggy Pop. Sorti mi 70, c'est une grande réussite, mais le groupe étouffe à Los Angeles (« L.A. blues ») et s'en retourne vite à la Fun House.

C'est le début des problèmes, les Stooges, de plus en plus sauvages, se retrouvent avec un Dave Alexander trop saoul pour jouer, il sera viré après plusieurs concerts catastrophiques. Un roadie, Zeke Zettner, encore plus incompétent, le remplace. Au cours d'une audition Ron Asheton retrouve une ancienne connaissance : James Williamson, il s'avère meilleur guitariste que lui qui reprendra le rôle de bassiste. Cette nouvelle formation semble relancer le groupe grâce aux bonnes compositions de Williamson, mais Elektra les refuse. James devient l'alter ego d'Iggy, amis de défonce, ils sombrent la tête la première dans l'héroïne, tout le groupe suit cette descente aux enfers et Ron se sent de plus en plus isolé (il ne prend pas de drogues). Pour clore l'épisode, Scott totalement défoncé envoie le camion contenant le matériel de location dans un pont : Danny Fields jette l'éponge et le groupe est dissous officiellement le 8 juillet 1971. Tout semble terminé, Iggy Pop s'envole pour New York et la Fun House est détruite pour laisser place à une autoroute.

Iggy Pop, alors en cure de désintoxication, rencontre David Bowie qui lui présente son manager : Tony DeFries, ils signent ensemble un contrat pour deux disques et s'envolent pour l'Angleterre accompagnés de James Williamson. Iggy cherche une rythmique, il rappelle alors les frères Asheton, le groupe se reforme le 6 juin 1972. Les nouvelles compositions de James pleuvent, brutes et tranchantes, elles ne plaisent pas à DeFries, trop occupé par la carrière naissante de Bowie. Pourtant Iggy Pop & The Stooges donnent des concerts éblouissants et malsains en Angleterre, Iggy s'est teint en blond argenté, Nick Kent à propos d'un concert dira : « c'était plus effrayant qu'Orange Mécanique et Alice Cooper réunis ».

EN 1973, ils enregistrent l'album Raw power sur lequel de nombreux titres comme « Cock in my pocket » ou « Head On », refusés par DeFries, seront écartés, on les retrouvera sur des disques pirates ou des lives comme Metallic K.O.. DeFries part pour les Etats-Unis et laisse les Stooges à l'abandon en Angleterre, puis les installe dans une somptueuse villa à Hollywood où ils assouvissent leurs fantasmes de star : drogues, orgies, violence et faits-divers. C'est en ami que David Bowie travaille sur le mixage de Raw Power, il réalise un suicide commercial poussant la voix et les guitares au maximum dans le rouge, faisant exploser les harmoniques et donnant de ces sonorités très désagréables et agressives qui feront la joie des punks. Mais, le mixage déplait fortement aux frères Asheton qui parlent de sabotage, Iggy Pop dira la même chose en 1997 lorsqu'il remixera l'album pour arriver finalement à un résultat quasi similaire ! L'album est tout de même une réussite, il pose les bases d'un punk-rock destructeur à la violence extrême et au nihilisme suicidaire. Son influence sur les punks de 77 sera évidente et des hymnes comme « Search and destroy » ou « Penetration » marqueront du sceau de l'anarchie le début des années 70, pourtant en pleine poussée du rock progressif.

Mais les Stooges n'en finissent plus de sombrer dans la démence, les drogues et l'autodestruction. DeFries leur coupe rapidement les vivres. Ils essaient tout de même de s'en sortir, mais les concerts tournent à la catastrophe : Iggy Pop ne tient plus debout, il vomit sur le public, sabote les représentations allant jusqu'à tenter de se suicider en plein concert à coups de tessons de bouteille au Max's Kansas City. Le groupe au bord de l'implosion donne un ultime concert en février 1974, devant une foule hostile de Hell's Angels qu'Iggy Pop insulte copieusement. Le groupe splite définitivement à l'issu de cette dernière aventure. On en retrouve le témoignage sur l'ultime enregistrement chaotique de Metallic K.O..

Iggy Pop poursuivra sa carrière en solo, accompagné par David Bowie, qui saura lui sortir la tête de l'eau au bon moment. Dave Alexander et le roadie Zeke Zettner meurent en 1975 d'overdose et de malnutrition lié à l'alcoolisme. Les frères Asheton eux survivront de formation en formation (New Order version US, Destroy all monster...) et ré-apparaîtront sur un album solo d'Iggy Pop : Skull Ring. Le groupe se reforme d'ailleurs dans la foulée en 2003 à l'occasion du Bol d'or en France. Depuis ils continuent à donner des concerts où l'énergie et le rock 'n roll de leurs débuts font frémir plusieurs générations de fans. The Weirdness en 2007 renoue partiellement avec le son de Fun House. Cette deuxième incarnation de The Stooges s'arrête définitivement le 6 janvier 2009 avec le décès soudain de Ron Asheton.

En survivant expérimenté, Iggy Pop a alors l'idée de faire sortir de sa retraite musicale James Williamson. C'est la renaissance d'Iggy & The Stooges qui va se matérialiser par de nombreux concerts où le répertoire de Raw Power est enfin joué sur scène par son créateur. Ready to Die en 2013 est le premier album où Iggy Pop et James Williamson jouent ensemble depuis New Values en 1979.