Sonic Youth

Naissance

United States

Biographie

Indissociable de la scène new-yorkaise au même titre que les Ramones ou le Velvet Underground, Sonic Youth y éclot en 1981 au milieu de la vague no wave. Le groupe formé par le couple emblématique Thurston Moore et Kim Gordon, flanqué du guitariste Lee Ranaldo et plus tard rejoint par le batteur Steve Shelley, se distingue par son approche expérimentale, bruitiste et l'utilisation singulière de ses instruments (cordes frottées avec tous types d'outils, strates de guitares distordus, accordages inhabituels...). Tout au long de sa carrière discographique marquée par des albums essentiels comme Sister (1987), Daydream Nation (1988), Goo (1990) ou encore Washing Machine (1995), Sonic Youth va écraser de son poids tout un pan de l'histoire du rock, suscitant un véritable culte par des générations de musiciens, au premier rang desquels les jeunes échevelés du grunge. Pourtant le groupe reste quasiment inclassable. Leur musique fut punk, no wave, grunge, noise, pop-rock, free-jazz ou encore post-rock mais la postérité les a finalement laissés en dehors de tout ça, bien assis sur les cimes de l'underground. Alors qu'on croyait leur jeunesse inaltérable, ces explorateurs du son se séparent en 2011, après trente ans de carrière, suite au divorce de Kim Gordon et Thurston Moore.

La révolution de Sonic Youth est avant tout sonique. À coup de guitares stridentes et d'extrémisme cérébral, ils firent éclater les vieilles conventions rock à l'orée des années 80. Émergeant en 1981 du mouvement post-punk new-yorkais, Sonic Youth va rapidement se démarquer. Prônant une musique strictement électrique, ils ne vont pas rechercher l'expérimentation dans l'ouverture musicale mais plutôt dans un travail de sape autour de l'objet-roi, la guitare. L'instrument, brillamment servi par les deux maîtres d'oeuvre que sont Lee Ranaldo et Thurston Moore, est trituré, saturé, sali jusqu'à obtenir une véritable esthétique de la dissonance.

En 1977, Thurston Moore quitte son Connecticut natal pour rejoindre New-York et sa scène punk. Son rêve de travailler avec Sid Vicious n'aura certes jamais lieu mais dans un magasin de disque, il fait une rencontre pour le moins déterminante : la Californienne Kim Gordon lui plaît tellement qu'en plus d'une simple union amoureuse, ils décident de monter un groupe de rock. Ils donnent leurs premiers concerts en 1981 au CBGB, accompagnés d'un ami guitariste, Lee Ranaldo. Le trio prend le nom de Sonic Youth. C'est la grande période no-Wave à New-York et les jeunes groupes rivalisent d'inventivité pour pousser les limites du punk-rock au seuil de l'audible. C'est ainsi que le Sonic Youth des débuts se place sous le haut patronage de Glenn Branca, compositeur de symphonies bruitistes pour guitares. Déjà, le groupe se place dans les avant-gardes artistiques qu'ils ne quitteront jamais.
Le premier vrai album du groupe, Confusion is Sex sort en 1983. C'est Bob Bert qui y assure le set de batterie. Mais les moyens financiers restent plus que limités. Une tournée et un EP plus tard, Thurston Moore ambitionne plus. Il envoie donc une démo au label anglais Doublevision qui refuse de produire le groupe. Cependant, c'est ce geste qui fera basculer le destin commercial des New-Yorkais : un des responsables de Doublevision décide de publier quand même leur travail en partant fonder un label ex nihilo, Blast First Records. Rough Trade décide alors de s'occuper de leur distribution. C'est dans ces conditions bien meilleures que Sonic Youth accouche de son deuxième opus en 1985, Bad Moon Rising. Un album extrêmement noir marqué par les assassinats perpétrés par Charles Manson et la politique étrangère de Ronald Reagan.

En 1986, alors que Steve Shelley s'impose définitivement comme le batteur du groupe, Sonic Youth réalise son premier grand disque, Evol, qui affiche un son beaucoup moins radical. Signés dorénavant chez SST, maison de Hüsker Dü, ils commencent à s'imposer comme une des figures de l'underground américain. Sister en 1987 achève de consacrer Sonic Youth comme un pilier de la contre-culture américaine. Les passages sur les college radios et les tournées s'enchaînent. 1988 est l'année de leur grand chef-d'oeuvre, le double-album Daydream Nation qui est en général celui que la postérité (et les classements rock) ont retenu. S'articulant autour du hit « Teenage Riot », le disque est comme une synthèse des deux disques précédents. Ce qui fait que beaucoup ont considéré qu'il y avait une véritable trilogie Evol-Sister-Daydream Nation. En réalité, c'est beaucoup dire car Daydream Nation et deux de ses brillants successeurs Goo (1990) et Dirty (1992) forment également une trilogie de l'excellence.
Plus que foisonnante (pas loin d'une vingtaine d'opus à ce jour), la discographie de Sonic Youth est encore difficilement appréhendable. Mais, c'est au tournant des années 80 et 90 que le groupe atteint sa quintessence avant de traverser les années 90 tranquillement et néanmoins efficacement. Mis à part quelques accidents de parcours, comme Goodbye 20th Century (1999), Sonic Youth se sera toujours attiré les faveurs de la critique. Jim O'Rourke débarque dans le groupe au tournant du siècle et 2002 est la grande année du retour dans les classements de fin d'année avec le rafraîchissant Murray Street qui sera suivi par un Sonic Nurse (2004) confirmant un retour en forme indéniable. Après un Rather Ripped et un The Eternal en demi-teinte, le groupe s'éteint brusquement, mis à terre par le divorce de Kim Gordon et Thurston Moore. L'ironie étant que, tout au long de leur carrière, les deux musiciens avaient pourtant soigneusement évité que leur vie privée n'empiète sur leur vie professionnelle.

L'influence de Sonic Youth reste considérable dans les milieux musicaux et plus largement artistiques. Les quatre membres se sont ainsi dispersés dans divers projets parallèles, non sans garder du temps pour le groupe. La liste des groupes qui pourraient organiser un Tribute to Sonic Youth est très longue. Ils ont contribué par leur parrainage à lancer des groupes comme Nirvana, Pavement ou Mudhoney. L'attitude rebelle de Kim Gordon aura influencé toute une génération de riot grrrls à l'image des Bikini Kill. En 2010, le groupe new-yorkais signe la bande originale du film Simon Werner a Disparu, premier long-métrage de Fabrice Gobert.