The Rubettes

Naissance

United Kingdom

Biographie

« Doo-wop, doo-wop, doo-wop, love, sugar baby, love ! » Il est des noms qui évoquent aussitôt tout un flot d'images que l'on prend plaisir à se remémorer. Silhouettes dégingandées aux vestes cintrées, cheveux mi-longs surmontés de bérets carmins, c'est en surfant sur la nostalgie des années 50 que ce groupe britannique atteint une forte popularité durant les années 1970 avant de tomber dans les affres de l'oubli... pour mieux en ressortir à l'occasion de l'effet de mode nostalgique des années 1990.

Si les années 2000 se souviennent des années 80 avec des soupirs dans la voix et des envies de synthé dans les gambettes, ces dernières ne dédaignaient pas swinguer sur quelques tubes disco de la décennie 70, là où cette même décade n'avait rien contre un petit retour dans le temps dans les années 60 et 50 à l'occasion d'une soirée thématique en discothèque... Suivant cette logique, comment s'étonner qu'un groupe créé dans les années 70 n'ait pas la tentation de surfer sur une vague musicale et esthétique qui avait déferlé vingt ans auparavant ? Fondés en 1973 par deux fans de doo-wop, l'organiste Bill Hurd et le guitariste et chanteur Paul Prewer (rebaptisé Paul Da Vinci pour les besoins de la promotion), les Rubettes se retrouvent très vite soutenus par deux producteurs, Wayne Bickerton et Tony Waddington. Ceux-ci qui comprennent très vite le potentiel de ce groupe surfant sur la vague du rétro de et de la nostalgie. Souhaitant évoluer dans un registre proche de celui d'un autre groupe les ayant précédé, The Diamonds, Hurd et le nouveau chanteur Alan Williams choisissent, par mimétisme, de s'inspirer du nom d'une pierre précieuse pour baptiser leur formation. Le nom de Diamonds (« diamants ») étant déjà pris, ils se rabattront sur The Rubettes (dérivé de « ruby », c'est-à-dire « rubis ») et en 1973, le groupe commence à tourner sur les scènes britanniques.


Filiation oblige, c'est aux Diamonds qu'ils devront leurs premiers succès puisque l'un des tubes qui lance le groupe est une reprise de « Little Darlin' », l'un des morceaux-phares de leurs pas si lointains ancêtres. Mais c'est en 1974 que le titre majeur des Rubettes, celui qu'on leur réclame encore trente ans plus tard, sera composé : « Sugar Baby Love », dès sa sortie, est un immense carton à travers tout le Royaume-Uni, puis l'Europe entière. Bien que Brewer/Da Vinci en soit l'auteur, ce dernier quitte très rapidement le groupe pour être remplacé par Alan Williams au chant et à la guitare. En quelques mois, les Rubettes deviennent les rois des dancings et leurs nombreux passages à la télévision contribuent à populariser leur look de « glamour-lovers » un peu rétros. Le phénomène Rubettes est en marche et le doo-wop fait de nouveau swinguer dans les discothèques des années 1970. Les albums (Wear It's At en 1974, We Can Do It et The Rubettes en 1975, Sign of the Times en 1977, Baby I Know en 1978...) se succèdent à un rythme frénétique et le groupe aux bérets rouges truste les hauteurs des hit-parades de l'époque, rivalisant avec les Beatles, les Rolling Stones et Pink Floyd en terme de notoriété. « Tonight », « Juke Box Jive », « I Can Do It » ou « Cherie Amour » deviennent autant de must-haves des mange-disques de la deuxième moitié des seventies sans lesquels une boum adolescente n'est pas digne de ce nom. Cependant, en dépit d'une orientation de plus en plus pop et glam, le public commence à se lasser de ces gentils garçons bien sages aux vestes cintrées aux chorégraphies datées. La fin de la décennie 70 voit en effet de nouvelles formations émerger correspondant davantage aux aspirations de la jeunesse : le punk, le ska et la new-wave sont désormais les genres ayant le vent en poupe et les gentils Rubettes se voient vite évincés de la scène au profit des Sex Pistols, Clash, Madness et autres The Specials.


En 1979, les Rubettes, oubliés par le public anglais, ne remplissent plus guère les salles que sur le continent. Ils enregistrent leur dernier album, Shangri La - qui ne sort même pas - et le groupe se sépare. Si la plupart des musiciens connaîtront des fortunes diverses dans d'autres formations, Alan Williams tente de se refaire une virginité new-wave avec l'album solo Telephone Rings 1981, mais ce dernier n'obtient, au mieux, qu'un succès d'estime. Finalement, en 1983 le groupe choisit de se reformer (sans le batteur John Richardson) sous l'intitulé et repart en tournée dans l'Europe entière (à l'exception de la Grande-Bretagne qui semble les avoir définitivement mis au rancart). Ignorés sur leur propre sol, c'est surtout en France et en Allemagne que le groupe de Bill Hurd et Alan Williams retrouve une seconde jeunesse. S'ils deviennent des invités récurrents de Danièle Gilbert en France, c'est surtout en Allemagne, terre promise des groupes anglophones aux fins de carrière difficiles, qu'ils continuent à évoluer, le public leur y réservant toujours un accueil chaleureux. Le succès des Rubettes en Allemagne tout au long des années 1980 ne se démenti pas, au point qu'une rumeur persistante voudra que le groupe soit une formation 100% germanique mais ayant choisi de chanter en anglais pour mieux s'exporter. Toutefois, les Rubettes, s'ils retrouvent les succès des débuts, abandonnent toute création, se contentant de reprendre leurs anciens standards. Une tournée en première partie des Bee Gees, en 1989, aura au moins le mérite de rappeler leur existence au public européen.

En 1992, Shangri-La, l'album datant de 1979 et qui n'avait jamais été pressé, sort enfin - dans le cadre de la réédition CD de l'intégrale du groupe. Dans la foulée, les Rubettes sortent de nouvelles compositions originales, avec Riding On a Rainbow (1992), puis Smile (1994). À l'occasion de la tournée anniversaire de 1994, fêtant leurs vingt ans de carrière, les Rubettes retrouvent enfin le chemin des scènes britanniques et américaines, qui leur font un véritable triomphe. Cette tournée achevée, les Rubettes se séparent à nouveau, chacun choisissant d'évoluer de son côté, ne reformant plus guère le groupe aux bérets carmins que pour quelques prestations occasionnelles. Lorsque vient le temps de la reformation, en 1999, plusieurs membres choisissent d'ailleurs de ne pas revenir, estimant que l'aventure Rubettes doit avoir une fin.

1999 voit l'ultime reformation des Rubettes, ou plus exactement les ultimes reformations car Bill Hurd et Alan Williams, qui ne s'entendent plus, choisissent de remonter chacun de leur côté un groupe utilisant la raison sociale de la mythique formation britannique. Pour l'occasion, Paul Da Vinci et John Richardson (devenu masseur et homéopathe entre-temps) acceptent de reprendre du service. Mais les histoires d'amour finissant mal, en général, c'est devant les tribunaux que le divorce est prononcé. Chacun des deux plaignants ayant légitimement le droit d'utiliser le nom de « Rubettes », les deux formations sont cependant tenus d'indiquer la composition des ingrédients sur l'étiquette pour ne pas tromper le chaland sur la provenance du produit. C'est ainsi que « The Rubettes featuring Bill Hurd » évoluent aux côtés de « The Rubettes featuring Alan Williams ». Évidemment, ces deux nouvelles raisons sociales étant largement moins glamour (et, ose-t-on à peine penser, lucratif) que le nom original de Rubettes, les deux groupes oublient fréquemment de bien préciser toutes les mentions légales sur leurs affiches, de telle sorte qu'en parallèle, les fans auront droit à deux Rubettes... Il faudra qu'en 2005 les tribunaux fassent de nouveau les gros yeux à Hurd et Williams pour qu'ils se décident à respecter la précédente décision de justice.

Évoluant toujours sur les scènes européennes et américaines, « les » Rubettes, qui sont désormais deux groupes à avoir légalement le droit d'utiliser ce nom, continuent à servir la cause du doo-wop et du glam-rock. S'ils laissent parfois leurs mythiques bérets et leurs vestes cintrées au vestiaire, ces honorables quinquagénaires du rock made in Britain chevauchent toujours l'arc-en-ciel tout en faisant swinguer les foules au rythme de « Juke Box Jive » ou de « Sugar Baby Love ».