Michel Magne

Naissance

20 Mars 1930, France

Biographie

Compositeur majeur du cinéma français, Michel Magne est l’auteur de quelques-uns des thèmes populaires les plus célèbres des années 50 et 60. Louis de Funès trépignant en voyant la DS volante de Fantômas en train de disparaître à l’horizon, Lino Ventura jetant trois barbouzes en dehors d’un train ou une certaine marquise des Anges croisant le fer avec quelques féroces pirates : autant de scènes inoubliables que la musique de Michel Magne a su illustrer et accompagner. Compositeur attitré de Jean Yanne, l’homme s’est énormément illustré dans le registre comique en dépit d’une vie privée des plus chaotiques qui le mène au suicide en 1984. Mais l’homme ne s’est pas contenté que de cinéma : d’Elton John à Cat Stevens en passant par David Bowie, beaucoup ont collaboré avec le compositeur normand.

Né à Lisieux dans le Calvados le 20 mars 1930, le futur auteur de « menuets électroniques » (comme le surnommera Jacques Chancel) tombe très tôt dans le chaudron musical. Une passion pour la composition qui le mène très vite à Paris, la Normandie s’avérant trop étroite pour ce surdoué du clavier. Grenouillant dans le milieu des directeurs artistiques après avoir fondé un premier groupe de musique électronique en compagnie de quelques amis du conservatoire de musique, il se voit proposer, à 25 ans, de composer et d’enregistrer la bande sonore du Pain vivant de Jean Mousselle sur un scénario de François Mauriac. L’expérience est concluante et, dès lors, Magne comprend qu’une carrière dans la composition de musique de film s’ouvre à lui. La demande est forte, mais la qualité cinématographique pas toujours au rendez-vous. Qu’importe. Pour vivre, Magne compose aussi bien pour la télévision (la série Le sérum de bonté) ou pour le cinéma (Détournement de mineures, Les filles sèment le vent...) et reste professionnel en dépit de ce pourquoi on lui demande d’écrire. Le passage à la qualité supérieure se fait en 1962 lorsque Henri Verneuil le contacte pour les besoins d’Un Singe en hiver, d’après le roman d’Antoine Blondin. Une première expérience dans le cinéma d’auteur qui sera bientôt suivie du Repos du guerrier de Roger Vadim et du Diable et les dix commandements de Julien Duvivier. Devenu intime de Vadim, Magne est régulièrement appelé par le mari de Brigitte Bardot pour les mises en musique de ses films.

Compositeur populaire

Mais le cinéma populaire de manque pas de faire également appel à lui et, en 1963, Michel Magne contribue au succès de la comédie vacharde de Georges Lautner, Les Tontons flingueurs, mettant en vedette Lino Ventura, Francis Blanche et Bernard Blier. Immense succès d’estime pour le compositeur qui rebondit sur ce triomphe en salles pour multiplier ses collaborations, avec Raoul André (Des frissons partout), André Hunebelle (Méfiez vous, mesdames), mais aussi les habitués comme Verneuil (Mélodie en sous-sol) ou Vadim (Le vice et la vertu). À l’époque, Magne ne se permet pas d’être trop sélectif sur les choix de films qu’il fait et c’est ainsi qu’à côté des grosses machines que représentent Les films de Vadim, il collabore également à quelques solides séries B comme OSS 117 se déchaîne d’Hunebelle, décalque franchouillarde (et fauchée) de James Bond. L’année 1964 est pour le compositeur l’une des plus florissante car on retrouve son nom à l’affiche de plusieurs des cartons de l’époque. Angélique, marquise des anges, en premier lieu, mais aussi Les barbouzes ou Le monocle rit jaune, de Lautner, Banco à Bangkok pour OSS 117 d’Hunebelle et surtout Fantômas, du même réalisateur avec Louis de Funès, Mylène Demongeot et Jean Marais qui s’avère être l’un des plus grands triomphes du cinéma français et un succès à l’exportation. Dès lors, le nom de Michel Magne commence à circuler dans les bureaux de production, et bien ailleurs qu’en France. Pionnier de la musique électronique, Michel Magne, qui a joué entre autres avec le claviériste Martial Solal, est en parfait accord avec les exigences des réalisateurs.

Fantômas, Hubert, Angélique, Barbarella... et les autres

Les années se suivent et se ressemblent pour le compositeur, désormais considéré comme une valeur sûre de la musique de films. Fantômas se déchaîne, puis Fantômas contre Scotland Yard se taillent un franc succès dans les salles obscures, ainsi que Merveilleuse Angélique ou Angélique et le Roi, dont il assure toujours la bande son. Multitâche, l’homme alterne entre les grosses productions au succès prévisible et les séries B plus modestes mais dont les cinémas de quartier raffolent. C’est ainsi qu’on le voit à l’œuvre sur les suites des aventures kitsch d’Hubert Bonnisseur de la Bath dans Furia à Bahia pour OSS 117 ou Atout cœur à Tokyo pour OSS 117. L’espionnage en toc restant une valeur sûre du cinéma populaire, il contribue également à illustrer les péripéties d’autres clones hexagonaux du grand James comme Coplan FX 18 casse tout. D’autres bandes sonores, plus ambitieuses et destinées au cinéma d’auteur lui permettent de varier le panel de ses compositions, comme Galia de Georges Lautner ou Un homme de trop de Costa-Gavras. En 1968, son travail sur Barbarella lui donne l’occasion de développer son attrait pour les musiques électroniques, d’autant que le sujet du film s’y prête parfaitement. Le compositeur se découvre une affinité grandissante avec ces nouvelles harmonies tirées des synthétiseurs ou des boîtes à rythmes.


La petite entreprise... connaît la crise

En 1969, Magne prend un peu de recul vis-à-vis du cinéma pour se consacrer au projet de sa vie (qui sera, cependant, davantage celui de sa mort), la fondation de son propre studio musical, le Strawberry Studio, vite rebaptisé Studio d’enregistrement Michel Magne (S.E.M.M) dans les locaux de sa propriété d’Hérouville. Toujours précurseur, il est le premier à créer un studio au sein même de sa résidence principale et d’enregistrer « à la bonne franquette » et avec les moyens du bord. Investissement au coût exorbitant, le studio se révèle cependant très rapidement déficitaire, d’autant que les conditions de réception des artistes venus enregistrer (grands crus, maître d’hôtel en livrée, traiteurs les plus chics et tout le tralala) s’avèrent bien trop chères pour la petite entreprise de Magne. Pourtant, on se bouscule au portillon pour venir travailler chez lui et pendant quelques années, ce sont rien de moins que T-Rex, Magma, Eddy Mitchell, Elton John, Nino Ferrer, Adamo, les Grateful Dead ou Pierre Vassiliu qui viennent enregistrer leurs albums dans le cadre somptueux du château d’Hérouville, laissant à chaque fois au propriétaire des lieux le soin de régler la note. Dès 1973 : le couperet tombe : l’entreprise n’est pas rentable du tout et l’entreprise est mise sous contrôle judiciaire. Sale coup pour le compositeur qui ne s’en remettra jamais vraiment. Le manque de baraka accompagne désormais Magne comme un boulet. Une tentative de reprise en 1974, puis d’association avec le directeur artistique Laurent Thibault échouent et l’artiste se retrouve contraint de mettre son château aux enchères pour régler ses dettes, ne composant presque plus pour éviter que ses droits d’auteur ne soient prélevés à la source.

Les années noires

Moins présent au cinéma, Michel Magne est cependant contraint d’y revenir pour éponger les dettes de son studio, mais le cœur n’y est plus, d’autant que son nom reste associé à un cuisant échec commercial et financier dans l’esprit de beaucoup de décideurs. Seule sa rencontre et sa collaboration avec Jean Yanne (Moi y’en a vouloir des sous, Les Chinois à Paris, Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil...) lui permet de sortir du marigot de la création musicale un peu répétitive à destination des quelques navets dont on veut bien lui confier l’habillage musical. Si son studio reprend quelques activités à partir de 1975 et reçoit des invités aussi prestigieux que David Bowie, Charlélie Couture ou les Bee Gees, une seconde décision de justice vient très rapidement faire déchanter le compositeur pour qui la série noire continue. Retiré quelques années dans le Sud, à Saint-Paul de Vence, il se consacre désormais essentiellement à l’écriture de sa biographie, catharsis qui lui permet de relever la tête hors de l’eau, et ne regagne plus guère Paris que pour enregistrer quelques morceaux destinés à figurer dans la bande originale de quelques oeuvrettes oubliables comme SAS à San Salvador de Raoul Coutard, énième variation bondienne sur le thème de l’espion international invincible auquel aucune fille ne résiste. Son autobiographie intitulée ironiquement L’Amour de vivre sort en 1980 et obtient un petit succès en librairie. Mais Magne, qui désormais ne fait plus que de la musique électronique et limite les enregistrements et les concerts au maximum (ses droits d’auteur sont immédiatement saisis pour rembourser ses dettes), est tout de même au bout du rouleau. Irrité et épuisé par les conséquences financières de ses échecs à répétition, il met fin à ses jours, le 19 décembre 1984 au Novotel de Pontoise. Fin tragique pour celui dont tout un chacun se rappelle encore les plus célèbres compositions et qui, s’il n’avait pas connu de désastre financier, aurait pu être l’égal d’un Vladimir Cosma ou d’un Georges Delerue.