Mott the Hoople
Naissance
Herefordshire, West Midlands, England
Biographie
Mott The Hoople fut l’un des plus grands groupes anglais des années 1970, pratiquant à ses débuts un rock influencé par The Rolling Stones et Bob Dylan, avant de profiter de la vague glam pour trouver le succès grâce à l’aide de David Bowie. Cet excellent groupe de scène fut un parfait passeur entre le rock des sixties et la génération punk, sur laquelle il exerça une immense influence.
En 1968, Silence, groupe originaire d'Hereford dans l’ouest de l’Angleterre, tourne dans le circuit des pubs avec un certain succès, mais sans véritable avenir. La formation, emmenée par son leader, le guitariste Mick (Michael Jeffrey) Ralphs, comprend le bassiste Pete « Overend » Watts, le batteur Dale « Buffin » Griffin, l’organiste Verden Allen et le chanteur Stan Tippins. Lassé de ce manque de perspectives, Watts auditionne pour Free, récemment signé par Island. Il n’est pas embauché mais rencontre à cette occasion le producteur du groupe, Guy Stevens, un doux dingue, alcoolique et visionnaire (« Il n'y a que deux Phil Spector au monde et je suis l'un des deux »).
Après avoir écouté une bande démo, Stevens accepte d’auditionner Silence pour Island. Le producteur est à la recherche du groupe de rock parfait, qui combinerait selon lui la rythmique des Stones, le style vocal de Bob Dylan et un orgue à la Procol Harum (groupe qu’il a fait débuter et auquel il a trouvé son nom). Silence s’approche de son idéal, excepté son chanteur, dont il n’aime pas le look.
Exit Tippins qui, bon garçon, deviendra roadie du groupe ! Au terme de nouvelles auditions, Stevens déniche la perle rare, Ian Hunter, auteur-compositeur (il gagne sa vie en composant pour un éditeur de musique), soi-disant bassiste et surtout chanteur dont la voix convient parfaitement : à l’écoute du premier album, le critique Lester Bangs sera persuadé qu’il s’agit d’un album de Dylan publié sous un pseudonyme de groupe !
Affublé à vie (sur les conseils de Stevens) des énormes lunettes de soleil qu’il portait ce jour-là pour masquer sa timidité, redirigé vers le piano – dont la combinaison avec l’orgue, empruntée à Dylan et plus tard reprise par bruce Springsteen, sera l’une des caractéristiques principales du son de la formation – Steve Hunter est engagé.
Les années Island
Stevens, décidément très doué pour trouver des noms (Sticky Fingers, des Stones, c’est lui aussi) rebaptise le groupe en s’inspirant du titre d'un livre de Willard Manus qu’il avait lu en prison ! Après quelques semaines de répétitions et l’écriture d’une poignée de chansons par Hunter et Ralphs, Mott The Hoople enregistre son premier album, qui sort à l’automne 1969. Celui-ci, sous forte influence dylanienne, peine à retranscrire l’exubérance des prestations scéniques du groupe, au cours desquelles son rock plutôt hard réjouit le public. Le disque se vend mal et l’année 1970 s’annonce mal pour Mott The Hoople.Le deuxième album, Mad Shadows, enregistré en studio « dans les conditions du live » pour tenter de capturer l’énergie des concerts, est un nouvel échec, tant commercial que critique. Hunter lui-même dira détester ce disque sombre, enfanté dans la douleur. Stevens est en effet devenu complètement incontrôlable et les membres du groupe, épuisés par une tournée anglaise suivie d’une première incursion aux Etats-Unis, ne valent guère mieux.
Ils décident donc de produire leur troisième opus eux-mêmes, sans Stevens. Wildlife, qui sort en 1971, est un album totalement atypique dans la discographie de Mott The Hoople. Même s’il est plutôt réussi, proche d’une certaine musique américaine, presque country, sous l’influence prépondérante de Mick Ralphs, il obtient encore moins de succès que les deux précédents…Le groupe décide alors de tout donner, enregistrant début 1971 l’album de la dernière chance, pied au plancher.
Stevens, toujours aussi allumé, est de retour. Les musiciens poussent le volume à fond et déversent leur rage, livrant un album fantastique qui capte enfin la puissance qu’ils dégagent en concert, Brain Capers, considéré par beaucoup comme punk avant l’heure. Mais l’histoire se répète : le groupe passe l’année sur la route, entre tournée américaine au printemps, festivals d’été et nouvelle tournée anglaise en automne, enthousiasmant son public partout où il passe, et l’album… est un nouvel échec commercial.
David Bowie, le sauveur
Au début de l’année 1972, le moral des cinq musiciens est au plus bas : ils décident d’arrêter les frais. C’est alors que se produit le miracle. David Bowie, sur le point de devenir la star qu’on connaît, est fan de Mott The Hoople. Il leur a même offert l’année précédente un de ses titres, « Suffragette City », que le groupe a refusé !Apprenant la séparation, Bowie leur fait écouter une autre de ses compositions, « All The Young Dudes ». Ian Hunter et ses comparses sont emballés : « J’avais attendu toute ma vie de chanter une chanson comme celle-là. » Le groupe fonce en studio (en cachette d’Island) avec Bowie qui va les produire et les aider, via son management, à changer de maison de disque.
Alors qu’ils sont en train d’enregistrer le titre, le célèbre producteur pop Mickie Most passe dans le studio et déclare, « Là, vous tenez un hit ». « Numéro un », répond Bowie. « Mmm… numéro trois », fait Most. La chanson sort en avant-première de l’album du même nom (le groupe a signé sur CBS) et devient le premier hit de Mott, en se classant… à la troisième place des charts ! Grâce à Bowie, les musiciens profitent alors de la vague glam-rock et accèdent enfin au statut de rock stars. Mott The Hoople tourne durant toute la fin de l’année, en Angleterre puis aux Etats-Unis (pour la première fois en tête d’affiche).
Changements de personnel
Au début de l’année 1973, Allen quitte le groupe, car celui-ci refuse d’enregistrer ses compositions, mais également parce que « l’image est en train de prendre le pas sur la musique »… C’est donc un quatuor qui entre en studio pour produire (sans aide extérieure, cette fois) son meilleur disque, l’album concept Mott, qui sort à l’été 1973. C’est un nouveau succès, suivi d’une tournée triomphale aux Etats-Unis : Mott The Hoople est alors au sommet de sa gloire.Mais c’est déjà le début de la descente aux enfers.Fin 1973, Mick Ralphs, mécontent du départ d’Allen, mal à l’aise avec l’aspect de plus en plus théâtral des shows (maquillage et fringues glam, jeu de scène outrancier) et frustré de la mainmise de Ian Hunter sur le groupe, s’en va former Bad Company avec Paul Rodgers, l’ex-chanteur de Free. Il emmène au passage sa chanson « Can’t Get Enough », que Hunter était incapable de chanter ! C’est une énorme perte dont Mott The Hoople ne se relèvera jamais vraiment. Ralphs, excellent guitariste, était le coleader du groupe, composant et chantant la moitié des titres. Il est remplacé par un autre très bon guitariste, Luther Grosvenor, ex-Spooky Tooth, qui pour l’occasion devient Ariel Bender.
Malheureusement, ce dernier ne possède pas une personnalité très affirmée et, même s’il s’avère flamboyant sur scène, n’apporte que très peu au groupe en studio. Hunter est maintenant, bien malgré lui, le seul maître à bord… Le pianiste Morgan Fisher est intégré à la formation qui repart en tournée à l’automne en Angleterre (avec Queen, un jeune groupe débutant, en première partie).
Ces concerts à guichets fermés (dont un dernier, historique, à l’Hammersmith Odeon de Londres, qui dégénère en bagarre générale) sont enregistrés et constituent la matière de Mott The Hoople Live qui sort l’année suivante.Entre-temps, le groupe enregistre son septième album studio, The Hoople (Stevens n’est plus là pour trouver des titres…), publié en 1974 et obtient encore un immense succès, à l’instar de la tournée américaine au printemps (toujours avec Queen).
Débandade généralisée
Pourtant, rien ne va plus. Déçu par Bender, Hunter parle de saborder le groupe, mais tente pourtant d’enregistrer le single de la dernière chance, « Saturday Gigs ». Bender est viré, remplacé par Mick Ronson, l’ex-guitariste et comparse de David Bowie, dont la carrière solo bat de l’aile. Mais cette formation, en laquelle Hunter plaçait beaucoup d’espoir, ne vivra que quelques semaines, le temps de finaliser le single et d’effectuer une dernière tournée. Hunter et Ronson quittent le groupe pour voler ensemble vers de nouvelles aventures, laissant les trois autres musiciens désemparés.Pas pour longtemps.Comme s’ils n’étaient pas encore tombés assez bas, ceux-ci décident de persévérer et embauchent le chanteur Nigel Benjamin et le guitariste Ray Major. Toutefois, dans un sursaut de lucidité, ils changent le nom du groupe en… Mott ! Cette formation publiera deux albums, le très médiocre Drive On en 1975 et le franchement pathétique Shouting and Pointing l’année suivante, avant de se séparer dans l’indifférence générale, ajoutant ainsi une coda inutile à une histoire déjà bien mouvementée.
Mott The Hoople aura marqué durablement le rock britannique des années 1970 avec son mélange de hard et de glam, annonçant le punk à bien des égards. Ce sera d’ailleurs l’un des rares groupes de cette période à trouver grâce aux yeux de la nouvelle génération.Ainsi Mick Jones, le guitariste de The Clash (décrits par Glen Matlock, des Sex Pistols, comme « un croisement entre Mott the Hoople et les New York Dolls »), qui ira chercher Guy Stevens pour produire London Calling, n’a jamais caché son admiration pour ce groupe : « On était toute une bande à l’école qui allait à la plupart de leurs concerts (…) L’un d’entre nous sautait toujours sur scène pendant le rappel ; ils ont donc commencé à nous connaître et ils nous laissaient parfois entrer gratuitement, allant même jusqu’à nous parler, ce qui était assez différent de ce qui se passait avec les autres groupes à l’époque. »