Harmonium

Naissance

Montréal, Québec, Canada

Biographie

Un groupe éphémère mais mythique formé dans les années 1970 au Québec par Serge Fiori (guitares, mandoline, cithare, flûte, chant), Michel Normandeau (guitare, dulcimer, accordéon, chant) et Louis Valois (basse, piano, chant). Harmonium le principal témoin du renouveau pop de la chanson québécoise avec un style marqué par des harmonies vocales et des guitares acoustiques à la Crosby, Stills & Nash et, pour les paroles, par une critique de la société industrielle et le rêve du retour à la terre. Auteur de trois albums studio incontournables du genre, dont L'Heptade (1976), considéré comme le meilleur album de rock québecois, le groupe traversera l'Atlantique avec le célèbre morceau « Dixie » au refrain entraînant, puis se sépare en 1980.

Groupe à part dans la sphère du rock progressif, Harmonium est indissociable du mouvement indépendantiste québécois de la fin des années 70. Le groupe est considéré par toute une génération en quête d’identité, comme une alternative culturelle face aux modèles anglo-saxons dominants, dans un Québec en proie à cette révolution dite tranquille qui allait amener le parti séparatiste de René Lévesque au pouvoir. A l'opposée de la tradition anglophone plus axée sur l'ornementation, il est l'un des rares groupes a avoir su transmettre une sensibilité dénuée d'artifice. Cette générosité dans l’expression des sentiments s’accompagne en outre d’une économie de moyens et d’une simplicité formelle qui confèrent à ses compositions une formidable limpidité.

Cette sensibilité est grandement due à la personnalité du leader du groupe, Serge Fiori, chanteur tourmenté, parfois contradictoire et souvent même dépressif. « L’art », expliquait-il lors d’un entretien en 1996, « est plus fort que soi, un état, une recherche de vérité. C’est la transmission pure des états altérés de la conscience. J’ai touché il y a longtemps quelque chose qui existe. Il n’est pas un seul projet qui ne parte d’un besoin profond ».

Serge Fiori, né le 4 mars 1952 à Duvernay-Laval (Québec), est originaire de la communauté italienne de Montréal, dans le quartier dit de la Petite Italie. A l’âge de quatre ans, il chante déjà pour le groupe de jazz de son père, Georges Fiori, un orchestre de bal populaire se produisant à l’occasion de soirées privées et de diverses festivités. Autodidacte, à 12 ans il maîtrise les bases de la guitare et dès 15 ans il se produit dans les clubs et les bars de la région, toujours avec l’orchestre de son père, commençant plus ou moins à gagner sa vie par la musique.

Le groupe Harmonium naît en 1972 de la rencontre entre Serge et Michel Normandeau. Ce dernier, passionné de théâtre, projette de monter sur scène une pièce écrite par un ami d’enfance, Claude Meunier, future étoile de la scène comique québécoise des années 70 et 80. Il propose à Serge de composer la musique. La séparation entre Meunier et Normandeau (qui étaient co-locataires) mettra un terme au projet initial; et Fiori vient s'installer avec Michel. Michel Normandeau pratiquant également la musique (guitare, accordéon et dulcimer), ils commencent tout les deux à composer quelques chansons en anglais.

Après l’enregistrement d’une bande démo, le duo prend contact avec Yves Ladouceur, qui travaille à l’époque comme programmateur pour la station de radio CKVL (devenue par la suite CKOI FM, l’une des toutes premières radios FM du Québec). Il va devenir le premier manager du groupe, et l’un des plus grands artisans de son succès, notamment en leur conseillant d’opter pour des paroles en français, un choix particulièrement pertinent compte tenu du faible nombre de chanteurs francophones officiant dans ce style musical, et de l’émergence d’un jeune public à la recherche de racines, en majorité estudiantin.

Le groupe trouve sa structure définitive en 1973 avec l'arrivée de Louis Valois à la basse et prend le nom d'Harmonium. Ils passeront l'été a se produire dans des « boîtes à chansons » (telles Chez Dieu, l'Évêché, l'Iroquois ou le Patriote de Montréal), très répandues au Québec à cette période.

Le succès est au rendez vous, le 25 juin 1973 Yves Ladouceur parvient à les faire participer à un gigantesque spectacle organisé dans le vieux Montréal à l’occasion de la fête nationale du Québec, le jour de la Saint-Jean, devant 300 000 personnes, et diffusé en direct sur CKVL-FM. En novembre de la même année, Ladouceur les fait passer également sur les ondes de CHOM-FM (une radio encore en activité, et orientée "classic rock"), à l’émission Son Québec, le temps d’interpréter quelques chansons (« Pour un instant », « Un Musicien parmi tant d’autres », et « Un Refrain parmi tant d’autres », titre qui ne figurera jamais sur disque).

Malheureusement, comme avec beaucoup de groupe de rock progressif, les maisons de disques restent frileuses. Le durée des chanson, et le style expérimental leur vaut le refus de Capitol, Barclay, Polydor, London Records, CBS et Warner. Finalement c'est la maison de disque Quality qui accepte de signer Harmonium en lui laissant une totale liberté artistique. Le groupe entre donc en studio début 1974 et enregistre son premier album (en quatre jours seulement, à la demande de leur producteur !), intitulé Harmonium, qui sort en avril de la même année. Cette œuvre de jeunesse peut sembler bien éloignée des canons progressifs les plus familiers, et surtout à mille lieues de l’exubérance virtuose dont faisaient preuve au même moment les ténors de la scène. Ce disque est aussi caractérisé par une absence quasi totale de toute amplification électrique ou de quelque sonorité synthétique que ce soit.

L’un des ingrédients les plus importants de cette musique diaphane, en tout cas l’un des plus manifestes, reste le chant expressif et coloré de Serge Fiori, en joual, ce parler populaire québécois si pittoresque pour nos oreilles européennes et le parti-pris du tout-acoustique confère à ces compositions un climat intimiste à la coloration folk très marquée. L'album reçois un accueil enthousiaste du public; durant l’été 1974, Harmonium se produit en vedette à la Place des Arts, l’une des salles les plus prestigieuses de Montréal, et fait ensuite le tour du Québec pour assurer la promotion de l’album.

Harmonium retourne en studio pendant l’hiver 1975, à Montréal, pour enregistrer ce qui deviendra sans doute son album le plus fameux, plus souvent désigné par le nom Les Cinq Saisons que par son titre original à rallonge : Si On Avait Besoin D’une Cinquième Saison. L’état d’esprit communautaire qui caractérise alors la formation permet à cette occasion l’adoption de nouveaux musiciens : c’est ainsi que Pierre Daignault, ancien membre du groupe Infonie (formation mythique du tout début des années 1970, mélangeant rock, jazz, classique, chanson, poésie, mime, danse et théâtre dans un amalgame des plus extravagants), et Serge Locat, ex-membre de Nécessité, viennent se greffer au line-up originel pour accroître son répertoire instrumental, en se chargeant respectivement des instruments à vent (flûtes, saxophones et clarinettes) et des claviers (piano, Mellotron et synthétiseurs). L’un des éléments les plus marquants de cette nouvelle alchimie instrumentale procède moins d’une adjonction que d’un étonnant ostracisme : aucun batteur ne complète en effet la formation, pas la moindre percussion si l’on excepte les… cuillères, sur le célèbre « Dixie ».

Au-delà de ces aspects purement musicaux, on ne peut également manquer d’être frappé par le côté sibyllin et de plus en plus ésotérique de la poésie de Serge Fiori, beaucoup se demande si cet album fait référence au fameux Parti Québécois, mouvement indépendantiste qui n’allait pas tarder à accéder au pouvoir, et pour lequel Fiori n’a jamais caché sa sympathie.

1976 sera l'année des remaniements du groupe. Michel Normandeau décide en effet de quitter la formation au milieu de l’année, départ suivi par celui de Pierre Daignault. En compensation, le groupe accueille dans ses rangs le guitariste électrique Robert Stanley, le batteur Denis Farmer. Harmonium décide en outre de choisir un nouvel impresario, Paul Dupont-Hébert, en lieu et place du vétéran des premières heures, Yves Ladouceur. Sous la direction de Paul Dupont-Hébert, c’est la compagnie CBS (l’actuelle Sony Music) qui va hériter du gros lot, et produira le futur double-album du groupe, alors en pleine composition.

En juin 1976, le groupe participe au spectacle OK Nous V’là !, organisé sur le Mont Royal à l’occasion de la Fête Nationale québécoise aux côtés de Beau Dommage, Octobre, Contraction, Raoul Duguay et Richard Séguin.
La même année le groupe se lance dans l'enregistrement de l’œuvre la plus ambitieuse de son répertoire : Heptade. L’une des contributions les plus importantes à cet enregistrement viendra toutefois de l’extérieur du groupe : outre les talents de chanteurs de Pierre Bertrand, Richard Séguin et Estelle Sainte-Croix, qui viennent renforcer les chœurs à côté de Monique Fauteux, Harmonium fait en effet appel à un compositeur-arrangeur d’obédience classique, Neil Chotem. L’Heptade, comme son nom l’indique, est entièrement centrée autour du chiffre sept: sept chansons, donc, illustrant sept niveaux graduels de conscience. Fin 1977 le claviériste Serge Locat est remplacé par Jeffrey Fisher.

Malheureusement le succès et la pression vont commencer à éroder le groupe; à commencer par Fiori. Il est à noter que l'album sortira le lendemain de l’arrivée au pouvoir du Parti Québécois et l’élection au poste de Premier Ministre de René Lévesque. Le documentaire de Robert Fourtier intitulé Harmonium en Californie, apporte un éclairage particulièrement précis sur le climat politique régnant à cette période, et contient peut-être même l’une des explications les plus plausibles de la dissolution prématurée d’Harmonium. Le groupe disparaîtra en 1980, au lendemain du référendum sur la souveraineté du Québec lancé par René Lévesque.

Aujourd’hui, Louis Valois est propriétaire d'un studio de post-production. Michel Normandeau, se consacre depuis 1991 à la francophonie au Ministère de la Culture. Serge Locat compose actuellement pour la télévision. Libert Subirana devint dans les années 1980 le chef d’orchestre des spectacles de l’humoriste Yvon Deschamps. Robert Stanley fait encore régulièrement des spectacles avec des artistes québécois, notamment Robert Charlebois. Après avoir brièvement continué sa carrière de musicien, le batteur Denis Farmer est décédé d’un arrêt cardio-vasculaire en 1986. Serge Fiori est l’auteur d’un unique album solo. On lui doit aussi quelques chansons pour Diane Dufresne et Yvon Deschamps.

Harmonium possède aujourd’hui son propre 'cover-band', fort opportunément appelé L’Éveil.

Après une affaire de droits sur L’Heptade, le groupe sort la version du concert de Vancouver fin 2002 : En Tournée.