George Russell

Nom de naissance

George Allen Russell

Naissance

23 Juin 1923, Cincinnati Ohio, , United States

Biographie

George Russell a traversé le XXème siècle en vivant et prenant part à la plupart des révolutions du jazz. Il fait son apprentissage à l’âge d’or du swing, participe au milieu des années 1940 à la naissance du be-bop, il est le pionnier, sinon l’un des inventeurs du jazz modal dans les années 50 avec la première édition de son traité : The Lydian Chromatic Concept of Tonal Organization. Puis dans les années 70 il intègre les rythmes du rock et les nouvelles sonorités de la musique électronique (bandes magnétiques et synthétiseurs). Il décède le 27 juillet 2009 à l'âge de 86 ans.

Parmi les musiciens de jazz aujourd’hui internationalement reconnus, beaucoup ont été révélés par George Russell, on peut citer : Bill Evans, Joe Hunt, Steve Swallow, Dave Baker, Carla Bley, Paul Bley, Jan Garbarek, Terje Rypdal. Benny Carter, Charlie Parker, Miles Davis, Lee Konitz, Gil Evans, Art Farmer, Gerry Mulligan, entre autres ont joué ses compositions.

George Russell le révélateur

D’abord batteur, puis pianiste mais surtout compositeur et arrangeur, il est aussi l’un des rares théoriciens de cette musique. George Russell est né à Cincinnati dans l’Ohio, il débute comme batteur chez les boy scouts puis joue dans un groupe local et avec l’ensemble de L’université Wilberforce : The Wilberforce Collegians Jazz Ensemble. Vers 1944 il entre dans le Big Band de Benny Carter et écrit sa première composition « New World » qu’il vend à Benny Carter et à plusieurs autres ensembles selon ses dires.

En 1945 il s’installe à New-York, là il côtoie Charlie Parker (pour lequel il fera un arrangement avec des cordes de sa composition « Ezz-Thetic »), Miles Davis, Max Roach, Gil Evans. Progressivement George Russell se fait connaître dans le cercle  des jeunes inventeurs du be-bop mais c’est en 1947 au cours d’un concert au Carnegie Hall qu’il acquiert une véritable renommée. A la demande de Dizzy Gillespie, George Russell écrit un arrangement pour son Big Band ce sera « Cubano Be/Cubano Bop ». Cette œuvre est un jalon du jazz moderne, elle met en vedette Chano Pozo et marque les début de l’influence de la musique afro-cubaine sur le Jazz, mais également les débuts du jazz modal.

Douze ans avant le Kind of Blue de Miles Davis, George Russell construit toute la première partie de « Cubano Be/Cubano Bop » autour d’un seul mode, le mode de Sib Lydien Diminué. Ce concert aura un grand retentissement dans le monde du jazz à la suite de quoi George Russell travaillera pour Ella Fitzgerald, Claude Thornhill, Charlie Ventura, Buddy De Franco, Artie Shaw. C’est aussi à cette époque (entre 1945 et 1946) qu’il élabore le Concept Lydien Chromatique d’Organisation Tonale, pendant une longue hospitalisation pour soigner une tuberculose, la première version de ce traité établissant les bases philosophique et musicales du jazz modal ne sera publiée qu’en 1953.

De 1947 à 1960

La première décennie est une période difficile malgré ce début de reconnaissance, et il lui faudra attendre 1956 pour avoir l’occasion de sortir un enregistrement sous son nom. Ce Jazz Workshop par le George Russell Smalltet sort chez RCA et rassemble des compositions datant de plusieurs années avec des nouvelles, toutes mettant en œuvre les principes du Concept Lydien. Parmi ces compositions remarquables, « Concerto for Billy the Kid », marque les esprits tout comme un « Concerto for Cootie »  moderne, avec Bill Evans en soliste.

A la fin des années 1950, un mouvement émerge autour de John Lewis, J.J. Johnson, Gunther Schuller, George Russell auquel sera donné le nom de Third Stream qui propose de croiser le jazz, sa forte individualité sonore avec les procédés de composition de la musique dite savante. Un concert donné à la Brandeis University témoigne de cette émergence, George Russell y propose une autre œuvre concertante avec Bill Evans c’est « All About Rosie ». Ses qualités expressives, son singulier usage d’un langage très chromatique et l’ excellente performance de Bill Evans en font l’un des morceaux les plus populaires de George Russell.

Dans les deux années qui suivent, deux projets en grande formation voient le jour pour la firme Decca. Le premier est une suite orchestrale intitulée New-York, N-Y, avec John Coltrane, Bill Evans, Art Farmer, Bob Brookmeyer, Max Roach, Phil Woods, parmi les solistes et Jon Hendricks en narrateur. Puis Jazz in the Space Age, une réalisation exceptionnelle avec à la fois et en même temps Bill Evans et Paul Bley aux pianos. Enfin de 1958 à 1960 George Russell enseigne à la Lenox School of jazz fondée par John Lewis, il y rencontre Ornette Coleman et Don Cherry ainsi que les futurs membres du sextet qu’il dirigera jusqu’à son départ pour la Suède.


De 1960 à 1964

Après avoir édité en 1959 la version du Concept Lydien qui sera utilisée jusqu’à la révision de 2001, George Russell monte un sextet avec ses élèves de la Lenox School of Jazz dans lequel il joue du piano. Six disques sont produits, deux pour Decca et quatre pour Riverside. Cette formation de taille moyenne est un bon compromis entre les exigences économiques et artistiques de la vie de musicien, elle permet à la fois de travailler les arrangements avec un nombre de voix suffisant et de faire vivre un groupe régulier malgré quelques changements de personnel.

Dans ces disques George Russell fait jouer ses nouvelles compositions parmi lesquelles se distinguent : « Stratusphunk », « Blues in Orbit », « D.C.Divertimento ». Egalement des nouveaux arrangements d’anciens morceaux : « The Lydiot », « Ezz-Thetic ». Ou des arrangements de classiques du jazz moderne : « Nardis » (Miles Davis), « ‘Round Midnight » (Monk, Williams, Hanighen), « Au Privave » (Charlie Parker), « Moment’s Notice » (John Coltrane). Ou enfin, des créations des membres de son sextet ou de jeunes compositeurs : « Kentucky Oysters » (David N. Baker), « Bent Eagle » (Carla Bley).

Tous ces disques sont remarquables mais parmi eux, deux ressortent particulièrement. Ezz-Thetic pour sa parfaite cohérence et les solos d’Eric Dolphy, The Outer View, pour l’originalité de « D.C.Divertimento », et l’arrangement (qui fit scandale) du traditionnel « You are my Sunshine », avec Sheila Jordan au chant. 

De 1964 à 1978

En 1964 George Russell quitte les Etats-Unis, lassé des difficultés rencontrées pour garder un groupe régulier à une époque où le jazz est dépassé par la popularité grandissante du rock, de la soul music et de la musique pop. Il vivra en Europe du nord jusqu’à ce que Gunther Schuller lui propose un poste au New England Conservatory of Music à Boston. Mais ce n’est qu’en 1978 que George Russell remontera un orchestre « américain ». Pendant cette période il travaille majoritairement en Big Band avec des musiciens d’Europe du Nord comme Jan Garbarek, Terje Rypdal, Palle Mikkelborg, Jon Christensen, et quelques musiciens américains comme Stanton Davis ou Red Mitchell. Deux œuvres majeures du jazz d’après guerre ressortent de cet exil : Electronic Sonata For Souls Loved by Nature et Vertical Form.

La seconde née de la volonté de George Russell de trouver de nouveaux procédés de composition en harmonie avec les principes du Concept Lydien. Ce procédé qu’il appelle Vertical Form permet (un peu à la manière d’Olivier Messiaen) d’assembler des strates rythmiques et mélodiques (basées sur les modes Lydiens) dans une plus large structure. « Electronic Sonata » sera enregistrée à plusieurs reprises, en grande formation et en sextet (1966, 1968, 1980, 2003), c’est une œuvre qui inaugure l’utilisation de l’électronique en jazz sous la forme d’une bande magnétique avec laquelle l’orchestre dialogue ou se confronte. Les rythmes binaires issus du rock et du funk naissant y font aussi une entrée remarquable.

Enfin on peut citer deux disques singuliers, en 1965 en sextet avec Don Cherry en invité (At Beethoven Hall), et Living Time comprenant la suite concertante du même nom avec pour la dernière fois Bill Evans en soliste.

De 1978 à 2003

Soutenu par des commandes publiques de la Radio Suédoise ou du Fond pour la Culture Norvégien, George Russell a pu travailler jusqu’à son retour aux Etats-Unis dans un confort qu’il n’aurait absolument pas pu avoir dans son propre pays. Bizarrement c’est cet exil qui lui a permit d’acquérir la reconnaissance et la renommée qu’il espérait, jusqu’aux U.S.A. Il crée alors son propre organisme d’édition et de production : Concept Publishing grâce auquel il édite le Concept lydien et quelques disques enregistrés à la fin des années 1960 avant de les confier à Soul Note.

Ce système de commandes et de production indépendante est aujourd’hui encore celui qui lui permet de crée dans l’inconfort mais selon ses désirs. Revenu en Amérique il monte un premier orchestre appelé New-York Big Band avec lequel il fera deux disques où son repris quelques morceaux emblématiques comme « Lydiot » ou « D.C. Divertimento » et de nouvelles compositions comme « Time Spiral ». Puis il crée l’orchestre Living Time toujours en activité.

La Cité de la musique

Les enregistrements s’espacent : trois disques pour l’italien Soul Note, deux pour Blue Note, deux pour le français Label Bleu et le dernier en 2005 pour son propre label. La composition « The African Game », enregistrée pour Blue Note est sa composition la plus ambitieuse des années 80, c’est un voyage musical au travers des différents âges de l’homme, une sorte de résumé de ses préoccupations musicales, théoriques et spirituelles. George Russell est très marqué depuis les années 50 par les philosophies orientales, et particulièrement l’enseignement soufique de G.I. Gurdjieff. Le disque est nominé aux Grammy Award en 1985.

En 1996 après un disque anthologie enregistré à Londres, la Cité de la Musique de Paris lui commande une nouvelle version de la suite « Living Time »  avec l’ajout d’un ensemble de cordes, ce qui lui permet de réenregistrer dans de meilleures conditions et selon lui avec un meilleur mixage, l’œuvre dédiée à Bill Evans. Son dernier enregistrement à ce jour, est effectué lors des cérémonies organisée par le Barbican Center de Londres en 2003, à l’occasion de son 80e anniversaire. Une nouvelle édition du Concept lydien est produite en 2001.

Le 27 juillet 2009, George Russell décède de complications de la maladie d'Alzheimer dont il était atteint, à l'âge de 86 ans.

Figure majeure de la musique d’après-guerre, injustement méconnue, le parcours de George Russell résume l’histoire du jazz moderne, de l’élargissement théorique et harmonique des années 1960 à la question de la place de la composition et du compositeur dans une musique largement improvisée, mais pas uniquement, en passant par l’intégration de l’électronique et du langage des nouvelles formes de musique populaire.