Gabriel Yared
Nom de naissance
جبرائيل يارد
Naissance
7 Octobre 1949, Lebanon
Biographie
Après avoir été orchestrateur et arrangeur pour de grands chanteurs de la variété française, Gabriel Yared est devenu l’un des compositeurs de films français les plus convoités. Son style personnel et exigeant, qui concilie les expérimentations les plus avant-gardistes et une écriture extrêmement construite, lui a valu une reconnaissance internationale, qui trouve son apogée lorsqu’il obtient un Oscar pour Le Patient anglais en 1996.
Gabriel Yared est né à Beyrouth. A l’âge de 8 ans, il entre au pensionnat chez les Jésuites, où il y restera jusqu’à l’âge de 14 ans. Autodidacte, il passe la plupart de son temps à étudier seul les partitions des grands maîtres et à jouer sur l’orgue de son école. Il étudie bien l’accordéon avec un professeur particulier, mais très vite ce dernier estimera qu’il n’a plus rien à enseigner à son jeune élève, déjà très doué.Gabriel Yared commence ensuite des études de droit qu’il abandonne pour se consacrer à la musique.
En 1969, il entre à l’Ecole Normale de Musique de Paris où il suit les cours en auditeur libre, notamment ceux de Henri Dutilleux. Il s’intéresse aux Beatles et à Marvin Gaye, donne quelques concerts. En rendant visite à son oncle, il tombe amoureux du Brésil et y demeure pendant 18 mois. Il travaillera avec les chanteurs pop Elis Regina and Ivan Lins.
En 1973, il revient à Paris et entame une carrière de compositeur, d’orchestrateur et de producteur pour des grandes figures de la variété française : Charles Aznavour, Johnny Hallyday, Mireille Mathieu, Sylvie Vartan, Charles Aznavour, Michel Fugain, Michel Jonasz, Gilbert Bécaud ou Françoise Hardy. Il travaille parallèlement pour la télévision et la publicité : il compose le générique du journal télévisé de TF1 et une musique de film pour Samy Pavel : « Miss O Ginie ou les hommes fleurs ». Ironie du sort : Gabriel Yared, de son propre aveu, n’aime pas le cinéma…
En 1979, Gabriel Yared doute. Il décide de mettre entre parenthèse sa carrière musicale afin d’étudier le contrepoint et la fugue au Conservatoire de Paris. C’est cette même année que commence officiellement la carrière cinématographique du jeune compositeur. L’anecdote est célèbre : Gabriel Yared rencontre Jean-Luc Godard par l’intermédiaire de son ami Jacques Dutronc. Le réalisateur lui demande d’orchestrer un air d’opéra : le compositeur, las d’être réduit à ce travail ingrat, rejette sèchement la proposition. Godard le rappelle quelques jours plus tard et lui donne carte blanche : ainsi naît la musique du film Sauve qui peut la vie, écrite alors que le compositeur n’a vu aucune image.
Le compositeur adoptera la même ligne de conduite pour La Lune dans le caniveau de Jean-Jacques Beinex, Agent trouble de Jean-Pierre Mocky ou Camille Claudel de Bruno Nuytten.
A cette époque, Gabriel Yared utilise déjà largement l'électronique : le synthétiseur Moog, qui vient tout juste d’apparaître, lui est d’un grand secours. Il utilise des sons qu’il a préalablement enregistré comme matière à son œuvre. Cette façon originale de concevoir la musique de film, entre la musique instrumentale et la musique concrète, se révèle dans le « Prélude à la pluie » (Malevil de Christian de Chalonges), qui existe dans une version pour cordes et dans un version pour sons enregistrés.
Pourtant sa partition la plus connue du grand public, 37°2 le matin (film de Jean-Jacques Beineix, 1986) n’a rien à voir avec le style qu’il adopte à cette époque en renouant avec la simplicité de la musique de variété.
Gabriel Yared change sa façon de travailler en 1992 lorsqu’il travaille pour Jean-Jacques Annaud sur le film terminé de L’amant, musique primée aux César. Sa carrière prend très vite une dimension internationale. Sa partition pour Le Patient Anglais de Anthony Minghella lui vaudra un oscar. Depuis, Gabriel Yared compose essentiellement pour les américains : Message in the Bottle de Luis Mandoki, Le Talentueux Mr Ripley, et Cold Mountain d’Anthony Minghella.
Ces dernières décennies ont révélé toute l’étendue du talent de Gabriel Yared : une écriture très exigeante, largement influencée par l’œuvre contrapuntique de Jean-Sébastien Bach, avec des rythmes parfois très élaborés, mais où l’émotion, amplifiée par une orchestration de qualité, n’est jamais absente. Néanmoins, Gabriel Yared ne cesse de clamer son désir d’échapper à la catégorie de compositeur romantique dans laquelle le monde du cinéma aime à le placer depuis Le Patient Anglais. Cette frustration le conduit à se tourner de nouveau vers le cinéma français. Un événement malheureux va précipiter cette décision.
En 2004, Gabriel Yared travaille pendant deux ans sur« Troy » de Wolfgang Petersen. La musique est enregistrée, le réalisateur est content mais une projection test met fin au rêve en quelques minutes seulement. La partition de Gabriel Yared, jugée pompeuse, est rejetée en bloc : James Horner est engagé afin la remplacer. Cet événement a mis en émoi la communauté béophilique qui demande encore à cors et à cris une édition de la musique de Yared : une bataille juridique est née entre les studios producteurs de la musique et le compositeur, profondément bouleversé par cette expérience. Un expérience qui lui permettra pourtant d’être consacré compositeur de l’année à Gand.
Et pour cause, Gabriel Yared est bien l’un des rares compositeurs de film à revendiquer la plus grande exigence dans la pratique de son art. Laissons le compositeur conclure lui-même, avec la verve et la sincérité qui le caractérise : « Je ne suis pas un musicien qui a des jardins secrets. Je ne peux pas dire comme quelques uns de mes collègues : j’écris pour le cinéma, ce que les gens attendent, mais au delà de ça j’écris des choses très belles pour les gens intelligents : au concert, des concertos, et plein de choses comme ça. Je trouve ça stupide. Donnez-moi dans une musique de film tout ce que vous êtes, toute votre valeur, toute votre connaissance, toute votre puissance d’être, toute votre musicalité, donnez la moi là. Arrêtez de faire cette distinction imbécile : ça c’est pour le cinéma mais pour les gens intelligents j’écris mieux. Ça suffit ! Pour moi c’est un cynisme qui est insupportable. » (propos recueillis par Damien Deshayes pour Cinézik, en mars 2005).