The Small Faces

Naissance

England

Biographie

The Small Faces étaient, au milieu des années 1960, les idoles des mods anglais, un groupe de rhythm'n'blues énergique et bourré de talent. Après avoir signé sur le label Immediate, ils enrichirent leur musique d'un délicieux mélange de pop psychédélique et d'attitude cockney. Malgré leur manque de succès aux États-Unis et leurs mauvais choix de management, qui les empêchèrent de devenir les égaux de The Beatles, The Rolling Stones et autres The Who, ils ont marqué leur époque et influencé plusieurs générations de groupes anglais.

Steve Marriott (chant, guitare), né le 30 janvier 1947 à Londres, connaît le succès dès son plus jeune âge en tant qu'acteur. Adolescent, il joue le rôle d'Artful Dodger dans la comédie musicale Oliver ! (1960).

Début 1965, il travaille dans un magasin de musique où il rencontre Ronnie Lane (né dans l'est de Londres le 1er avril 1946), surnommé « Plonk » par ses amis, en raison du son de sa basse. Ce dernier l'invite à rejoindre son groupe, The Pioneers, dont le batteur est Kenney Jones (né le 16 septembre 1948, lui aussi dans l'est londonien). Les trois musiciens recrutent l'organiste Jimmy Winston et se rebaptisent The Small Faces. « Small » parce que ces garçons sont d'assez petite taille et « Faces » car se sont des mods, ces jeunes dandies anglais fanatiques de rhythm'n'blues. Dans le vocabulaire de ce mouvement, « Face » (visage) désigne quelqu'un qu'on admire, qui possède l'essence de l'attitude mod et porte les fringues les plus branchées. C'est d'ailleurs le nom que donnera Pete Townshend, le leader de The Who (l'autre grand groupe mod de l'époque), à l'un des personnages de son opéra rock consacré aux mods, Quadrophenia (1973).

Standards R&B

Le répertoire des Small Faces est alors évidemment constitué de nombreuses reprises de standards du R&B américain, interprétés avec une fougue communicative et portés par l'excellente voix de Marriott, l'un des chanteurs blancs les plus « soul » de l'époque. Le groupe est vite repéré et signe en juin 1965 avec le fameux manager Don Arden, pour son plus grand bonheur immédiat et son malheur à long terme, puisque les conflits légaux avec celui-ci au sujet des royalties et des droits d'auteurs dureront près de trente ans...

Arden leur alloue 20 Livres Sterling par semaine et un compte ouvert dans les principales boutiques de Carnaby Street ! Il leur loue également une maison à Pimlico et les fait signer avec Decca. Leur premier single, « What'cha Gonna Do About It », pompé sur « Everybody Needs Somebody To Love », sort en août 1965 et se classe n°14 dans les charts anglais. Le second, « I've Got Mine », écrit par le groupe, est un échec. À la fin de l'année, Jimmy Winston quitte les Small Faces, remplacé par Ian McLagan (né le 12 mai 1945 à Hounslow). C'est cette formation définitive qui va voler de succès en succès. Tout d'abord avec une nouvelle cover, « Sha La La La Lee » (n°3 en mars 1966), suivie de « Hey Girl » (n°10), une composition du tandem Marriott/Lane, qui va devenir un duo d'auteurs de la trempe des Lennon/McCartney et autres Jagger/Richards. C'est avec leur « All Or Nothing », numéro un en août 1966 (à la lutte avec le « Yellow Submarine » des Beatles), qu'ils vont définitivement s'imposer comme l'un des groupes les plus importants de l'époque.

La période Decca

Entre-temps, ils ont enregistré un premier album à la hâte, en trois jours, pressés par Arden qui n'envisage pas leur carrière à long terme mais encaisse le plus d'argent possible en leur concoctant un épuisant planning de concerts. Les choses vont encore empirer lorsque le manager envoie à Decca la maquette de « My Mind's Eye » comme un produit fini, que la firme s'empresse de sortir en single (qui se classera néanmoins n°4 !). Le groupe est furieux et n'a plus qu'une idée en tête, quitter Arden et Decca. D'autant que les quatre musiciens ont évolué : influencés par l'air du temps et la découverte, entre autre, du LSD, ils commencent à s'éloigner du Rhythm 'n' Blues pur et surtout de leur image de gentils chanteurs pop à succès, pour prendre, comme beaucoup d'autres, une orientation plus psychédélique. La fin de l'année 1966 est assez confuse, le groupe tente de garder ses meilleures chansons pour l'après Decca, en enregistre certaines qu'ils refera sur son prochain label, ajoutant ainsi à la pagaille qui règnera longtemps dans son catalogue...

Immediatement

Début 1967, les Small Faces s'acoquinent avec le célèbre manager des Rolling Stones, Andrew « Loog » Oldham, qui vient de monter son propre label, Immediate Records, sur lequel ils signent quelques mois plus tard. Oldham admire réellement le talent de compositeurs de Marriott et Lane et pense avoir trouvé ses nouveaux Jagger et Richards. Il leur laisse une liberté artistique totale et les engage également comme producteurs et accompagnateurs de quasiment tous les artistes de son nouveau label : les Small Faces deviennent le groupe maison. C'est un véritable virage pour la formation, qui change d'image, de musique et de façon de travailler, donnant nettement moins de concerts et bénéficiant de beaucoup plus de temps en studio pour y expérimenter son mélange étonnement original et efficace d'excentricité anglaise et de psychédélisme.

Son premier single pour Immediate est un coup de maître, une chanson-hommage à un dealer, « Here Comes The Nice », qui réussit à échapper à la censure et à se classer n°12 en juin 1967. Le premier album du groupe pour le label (également titré Small Faces !) sort cet été-là. C'est un grand pas en avant musical avec de magnifiques titres comme « My Way Of Giving ». En août, en plein « été de l'amour », les Small Faces sortent un de leurs plus grands hits, l'entêtant « Itchycoo Park » qui se classe à la deuxième place des charts britanniques (avant d'y revenir huit ans plus tard, n°9 en 1975). Ce sera également le seul titre du groupe classé aux Etats-Unis (n°16) avec « Tin Soldier » cinq mois plus tard... Contrairement à leurs contemporains, Beatles et Stones, et peut-être en raison du caractère typiquement british de leurs chansons, les Small Faces ne feront jamais carrière en Amérique, mais seront « vengés » par les deux principaux groupes auxquels ils donneront naissance, Humble Pie et les Faces. Cette « malédiction américaine » touchera d'ailleurs quelques années plus tard nombre de groupes anglais influencés par nos quatre mods tels Jam, Madness, Squeeze et autres Blur...

Psychédélique

Fin 1967-début 1968, le groupe est à l'apogée de son talent et de sa ferveur créatrice. Il sort l'excellent single « Tin Soldier » (n°9 en décembre) et consacre cinq mois à l'enregistrement de son chef-d'?uvre, Ogden's Nut Gone Flake, album concept psychédélique dans la lignée du Sgt. Pepper's des Beatles, qui se classe en tête des charts britanniques en juin et juillet 1968. L'amusant « Lazy Sunday », extrait de l'album, se classe n°2, au grand dam du groupe qui considérait ce morceau comme une blague...

C'est, ironiquement, le début de la débandade pour les Small Faces. Ils sont mécontents d'Oldham, qui gère très mal Immediate, perd énormément d'argent et ne paye jamais ses artistes... Ils enregistrent encore quelques titres, des instrumentaux ou des chansons plus acoustiques et jazzy, dont certains sortiront en 1969 sur la compilation The Autumn Stone, ultime tentative d'Immediate pour renflouer les caisses avant de mettre définitivement la clef sous la porte.

A ce moment-là, Steve Marriott a déjà quitté le groupe (sur scène, au beau milieu de « Lazy Sunday », le 31 décembre 1968 !) pour aller fonder Humble Pie avec Peter Frampton, qu'il avait tenté d'imposer comme second guitariste des Small Faces. Les trois autres continuent l'aventure, mais il ne leur faut pas moins de deux hommes pour remplacer le talentueux Marriott, et pas n'importe lesquels : ils s'assurent les services de Rod Stewart au chant et de Ron Wood à la guitare, qui viennent tous deux de quitter le Jeff Beck Group. Mais le changement de style est tellement radical que le groupe préfère se renommer The Faces : après tout, ils ne sont plus « petits » depuis bien longtemps...

Epilogue

Les Small Faces se reformeront en 1976, sans grande conviction de la part de Ronnie Lane, doublé voire remplacé par Rick Willis (bassiste de Peter Frampton et futur Foreigner) pour deux albums plutôt décevants, Playmates en 1977 et 78 In the Shade l'année suivante.

Ronnie Lane enregistrera en solo, avec Peter Townshend et avec son propre groupe, Slim Chance. Il sera malheureusement atteint d'une sclérose en plaque qui l'empêchera de continuer la musique et décédera le 4 juin 1997.

Après la séparation de Humble Pie et l'échec de la reformation des Small Faces, Steve Marriott aura du mal à refaire surface. Alors qu'il semble enfin prêt à effectuer son grand come-back, il meurt tragiquement dans l'incendie de sa maison du seizième siècle, le 20 avril 1991...

Kenney Jones remplacera Keith Moon à la mort de celui-ci, en 1978, dans The Who, les éternels « grands-frères » des Small Faces.

Enfin, Ian McLagan accompagnera de nombreux artistes, notamment Rod Stewart et The Rolling Stones, avant d'écrire un livre, véritable petite perle autobiographique, All the Rage: A Riotous Romp Through Rock & Roll History. Il décède le 3 décembre 2014 à l'âge de 69 ans, victime d'un accident vasculaire cérébral survenu le jour même à Austin (Texas), où il vivait depuis quelques années.

The Small Faces ont influencé plusieurs générations de musiciens anglais, notamment de nombreuses formations punk, pour lesquelles ils étaient l'un des rares groupes du passé « respectable ». Ainsi à leurs débuts, les Sex Pistols reprenaient un de leurs morceaux, ce qui a poussé la presse anglaise à s'intéresser à eux. Puis, de The Jam à Oasis, une multitude de groupes ont cultivé cette dimension typiquement anglaise qu'avaient The Small Faces, tout à la fois cockneys braillards, « lads » excentriques et esthètes raffinés : Madness, Squeeze, The La's, Blur, Supergrass, etc.