Dogs

Biographie

Little Bob le havrais, Noir Désir et leur Bordeaux natal, les lyonnais de Starshooter : chaque métropole régionale peut revendiquer à un moment de son développement le statut de capitale du rock hexagonal. Nul ne songerait à contester au Rouen des Dogs d’avoir régné quelques mois durant et grâce à trois albums définitifs, comète étincelante au firmament de nos cieux électriques. Sans jamais atteindre le succès commercial d’un Téléphone (handicapés en cela par le choix d’un chant en anglais), les Dogs furent les plus élégants, percutants et racés des groupes français, et le restent pour l’éternité.

Comme souvent, tout débute comme un rêve de fan dans cette Haute-Normandie des années 70 où il n’y a rien à faire, sinon s’ennuyer, rêver du Swingin’ London, de l’Amérique de la marge (immortalisée par ces garage bands morts d’électricité qui ne se sont jamais remis de la première tournée des Beatles dans leur pays), et écouter de la musique. La boutique du disquaire Lionel Hermani (Mélodie Massacre) y initie une génération de jeunes rouennais, dont un certain Dominique Laboubée, étudiant de son état, aux petites merveilles sans conséquence et définitives créées dix ans auparavant par Kinks, Velvet Underground ou Shadows Of Knight. Mesurons le trauma, dans un paysage où triomphent alors Ange et autres incunables du rock progressif.

En 1973, Laboubée bat le rappel de quelques amis (dont le guitariste Paul Pechenart et le bassiste Zox, qui rejoindront plus tard Larry Martin Factory) pour une série d’après-midi récréatives (et quelques concerts déjà remarqués par le jeune Philippe Manoeuvre), alimentés par les répertoires de Gene Vincent ou des Flamin’ Groovies, et des originaux de Dominique. 1977 voit Mélodie Massacre s’improviser distributeur, à l’occasion de la sortie de « Charlie Was A Good Boy », trois titres en format 45 tours, dont l’une des chansons servira d’intitulé au meilleur fanzine rock français de tous les temps, le toulousain Nineteen. Le groupe poursuit ses gammes grâce à un mini-album (Go Where You Want To Go) qui confirme son statut d’étoile underground, et lui permet de stabiliser sa formation autour de son chanteur, de Michel Gross (batterie), et du bassiste alors néophyte Hugues Urvoy de Portzamparc.

1979 fera entrer le trio dans la cour des grands, avec un premier album (Different) aussi maladroit que fulgurant. La photo du recto de pochette, sublime référence à la beauté arrogante des Rolling Stones, les emprunts au patrimoine mondial du rock (reprise des Isley Brothers ou de « Fortune Teller »), l’usage d’une guitare Rickenbacker, et un répertoire original incisif (« Stranger Than Me ») font presque oublier l’épouvantable articulation de Laboubée. En France, les Dogs sont instantanément consacrés pont vivant entre le rock des pionniers et celui des Ramones. L’usage de l’anglais leur interdit une large reconnaissance en France, mais leur ouvre les frontières (Scandinavie, Grande-Bretagne).

Soucieux d’échapper à l’étiquette de revivaliste qui le menace, le groupe durcit son propos pour un deuxième album (Walking Shadows) qui, en 1980, offre aux fans désarçonnés un répertoire totalement original, balançant entre la noirceur du Velvet Underground et la furia des Stooges. Cet album influencera durablement des groupes comme les Thugs. La fin de l’année 1980 voit une première tentative de chanson en français (« Cette ville est un enfer »), bien peu convaincante.

1981 est placé sous le signe d’un départ (Philips dénonce le contrat du groupe) et d’une arrivée, celle d’Antoine Masy-Perier (ex-Snipers et Gloires Locales), guitariste trublion et véritable haricot sauteur mexicain sur scène. L’année suivante, le quatuor enregistre la pierre angulaire de sa carrière (le bien nommé Too Much Class For The Neighbourhood), feu d’artifice permanent d’impétuosité, et retour aux fondamentaux du rock naïf et spontané des sixties : retenue, élégance, énergie vibratile. Et l’arrogance du morceau-titre (Trop De Classe Pour Le Voisinage) n’a d’égal que son bien-fondé.

Malgré quelques bons moments, les enregistrements suivants : Legendary Lovers (1983), pourtant excellemment produit par Vic Maile, Shout ! (1984), More More More (1986), A Million Ways Of Killing Time (1989), Three Is A Crowd (1993), 4 Of A Kind  (1998), A Different Kind (1999), Short, Fast And Tight (2001) n’ajoutent rien à la légende des Dogs, désormais au bout de l’inspiration et des redites.

En 1989, Antoine Masy-Perier crée son double en chanson (Tony Truant et Dignes Dindons), Dominique Laboubée se consacre à son activité de producteur (Louise Féron), à l’écriture pour d’autres artistes, et tourne régulièrement.

Le 9 octobre 2002, Dominique Laboubée décède d’un cancer du poumon foudroyant à l’hôpital de Worcester (Massachusets), alors qu’il se trouvait en tournée avec son groupe aux Etats-Unis. Il était âgé de 45 ans.