La Souris Déglinguée

Naissance

Versailles, Yvelines, France

Biographie

Vieux de la vieille du milieu alternatif, le groupe de Tai-Luc, la Souris Déglinguée qui soufflera ses trente bougies en 2009 est l’un des rares cas de survivance sur le long terme dans le milieu punk-rock, plutôt habitué aux formations éphémères et aux carrières fulgurantes, mais brèves. Forte d’un répertoire à la fois cohérent et musicalement éclectique, la Souris Déglinguée a su drainer et fidéliser un large public.

Comme beaucoup de groupes, c’est dans le cadre des années lycée que la bande qui sera à l’origine de la Souris Déglinguée voit le jour en 1979 et donne son premier concert à Sarcelles le 17 février. C’est au lycée Hoche d’Aubervilliers que Tai-Luc et le guitariste Jean-Pierre se sont connus et fondé un premier groupe, vite rejoints par Rikko et Jean-Claude, recrutés soit par petites annonces, soit par des relations communes.

Les premières compos du groupe, très marquées par le rock’n’roll violent de l’époque seront offertes à un public curieux, essentiellement lycéen lui aussi, au cours de quelques happenings dans des bars et de petits festivals confidentiels. Cependant, en dépit de ces débuts quasi anonymes, la scène alternative hexagonale est un petit milieu, et, très vite, LSD se retrouve en première partie, ou aux côtés, de groupes prestigieux (ou en passe de le devenir) tels que Starshooter, Bijou, Dogs ou Stinky Toys.

Reprenant quelques standards du rock en version éraillée et énervée, la Souris propose de plus en plus rapidement ses propres compositions : « Banlieue Rouge », « Yasmina », « Haine, Haine, Haine » ou « Jaurès-Stalingrad » et touche un public plus loubard et violent (une faune qui se surnomme « La Raya ») que celui alors visé par les Dogs, les Stinky Toys ou Bijou. Dès 1979, sort « Haine, Haine, Haine », le premier 45t du groupe qui rencontre un succès critique et public. Enchaînant les festivals et les concerts, LSD se produit à Toulouse devant près de 5000 personnes dès 1980. Il faut dire qu’à l’époque, ils font partie des premiers à incarner un punk urbain, sauvage et violent à mille lieues des « Polly Maggoo » et autres ballades – fussent-elles sous acide – de la scène alternative.

« Rien n’a changé », « Putain de Zone », « Une Fille dans la Rue »... sont autant de titres revendicatifs et protestataires qui, en ce début de décennie marquée par l’arrivée de la gauche au pouvoir, rencontre un véritable écho auprès de la jeunesse issue du prolétariat et des classes moyennes. Un succès qui n’exclut pas la violence car, à plusieurs reprises, le public et la police en viendront aux mains et aux matraques lors des concerts.

En 1981, alors que François Mitterrand s’installe à l’Elysée et que Tai-Luc part accomplir son devoir de citoyen, sort le premier album du groupe, édité chez New Rose. Simplement appelé La Souris Déglinguée, il est accueilli très favorablement par la presse spécialisée et les radios périphériques. Dès lors, tournées et albums s’enchaînent en trio (fameux concert mouvementé à l’Elysée-Montmartre à Paris en 82 en première partie de Stiff Little Fingers). Mais en 1983, Tai-Luc de retour, fasciné par l’Orient, s’offre un voyage à Pékin dont il revient transformé. Désormais, la Chine, le Japon, le Vietnam, la Thaïlande... seront des sujets et des inspirations qui marqueront la future évolution des compositions du groupe.

Après seulement quatre ans d’existence, LSD s’est imposée comme une référence dans le milieu de la scène alternative et côtoie en concert le Best Of du mouvement « keupon », des Bérus aux Trotskids en passant par Kambrones, Oberkampf, OTH, les Porte-Mentaux, les Garçons Bouchers, Gogol (dont Tai-Luc est par ailleurs le beau-frère) et les Washington Dead Cats. Les Enfants du Rock, d’Antenne 2 consacre un sujet à ce groupe qui détient aussi les faveurs de la presse rock. La Souris Déglinguée effectue par ailleurs quelques apparitions télévisées, chose extrêmement rare pour un groupe de ce genre. Avec les nouveaux albums et la reconnaissance croissante, les tournées à l’étranger s’enchaîneront et les oreilles canadiennes, belges, anglaises et même tibétaines (sous l’influence de Tai-Luc) pourront profiter des couinements rageurs de la souris.

En 1991, Banzaï est consacré « album de l’année » par Rock & Folk et Best. LSD est partout : en tournée, dans la presse, sur Paris Première, MCM, M6 et même TF1. Avec la chute des régimes de l’Est, le public magyar et slave découvre également cette bande d’agités made in France qui s’offrent au début de la décennie 1990 une petite escapade de l’autre côté de l’ex-rideau de fer.

En 1993, après quelques sets au pays du soleil levant, La Souris s’associe avec le groupe japonais Ganeko Yoriko pour les besoins de l’album LSD Meets Ganeko Yoriko in Japan. Mais le départ de Jean-Pierre et Jean-Claude, et sa nouvelle direction musicale orientée « hip hop » et « world » lui aliène la frange pure et dure de son public (la « LSD Fraktion »).

De plus en plus inspiré par le continent asiatique, Tai Luc multiplie les voyages en Extrême-Orient et milite activement pour le Tibet Libre, participant à tous les concerts de soutien possibles et imaginables pour le pays du Dalaï-Lama. Les titres du groupe deviennent de plus en plus inspirés par les charmes orientaux : Rangoon-Lhassa, Bangkok, Saïgon... sont autant de disques que LSD consacre aux lointains paysages de l’Empire du Milieu et autres lieux circonvoisins. Avec comme résultat certains grognements et autres raclements de gorge des organisateurs de concerts dans les pays d’Asie du Sud-Est : ainsi, la participation de LSD au Festival d’Hồ-Chí-Minh-Ville est annulée du jour au lendemain sans autre forme de procès.

En revanche, en 1999, c’est devant 10 000 personnes que LSD jouera à Phnom Penh. Et, dans l’intervalle, il n’est pas une seule compilation consacrée au punk rock français dans laquelle il n’y ait au moins un titre du groupe qui semble parfaitement survivre à la chute de la mode punk. Il faut dire également que LSD a eu le bon goût de se diversifier musicalement et que ska, reggae, ragga, rap et sonorités orientales sont venues égayer les riffs rock du groupe, touchant ainsi un large public et n’enfermant pas la bande à Tai-Luc dans une case trop restrictive. Les instruments également ont changé : aux basiques guitares, basses et batteries sont venus s’adjoindre percussions, trombones et saxophones.

En 2004, un ensemble CD/DVD sobrement intitulé 25 ans  sort dans les bacs et rappelle que le groupe a toujours, contre vents et marées, maintenu son cap dans le naufrage collectif du cargo « punk français ». L’année suivante voit la sortie de leur dixième album studio, Mékong. De la banlieue rouge au Triangle d’Or, LSD a parcouru bien du chemin depuis leurs premières répétitions dans un local de Clichy. Bien qu’ils se soient toujours défendus d’être « punks » stricto sensu (leurs premiers concerts drainaient les skins des Halles et certaines de leurs chansons les ont fait passer pour des nationalistes aux yeux d’une frange de la scène punk), LSD fait clairement partie de la mouvance alternative qu’à pu connaître le rock hexagonal. Only Rock n’ Roll !