Creedence Clearwater Revival

Naissance

United States

Biographie

Après le Sgt. Pepper's des Beatles, beaucoup ont pu penser en avoir fini avec cette sacro-sainte galette de douze chansons agréables, voire dansantes, ne dépassant jamais les trois minutes, et bien sûr exemptes de tout message politique ou d’évocation d’un quelconque paradis chimique… on avait tort : au beau milieu du mouvement hippie contestataire et des nouvelles tendances à intellectualiser le rock, Creedence Clearwater Revival, mené par l’impressionnant John Fogerty, est arrivé en quatre années seulement, a s’imposer comme une (si ce n’est la) référence planétaire du rock n’ roll, dans ce qu’il comporte de plus authentique et de plus positif.

Si en 1968 Creedence Clearwater Revival est le groupe révélation de l’année, qui ne décolle plus des charts et distribue les hits comme des petits pains, il aura fallu aux quatre jeunes gens d’El Cerrito (banlieue de San Francisco) dix ans de labeur et de maturation pour mettre au point cette splendide machine à produire du rock n’ roll. En 1959, John Fogerty ne fait encore que jouer les succès du moment sur son piano, quand Tom, son frère aîné, décide de réunir deux camarades de classe, Doug Clifford et Stu Cook, respectivement batteur et bassiste, pour fonder les Blues Velvets. Au sein de ce groupe de bar, Tom est le leader, il assure la guitare rythmique et le chant, John étant cantonné aux claviers, formule qui les empêchera longtemps de décoller.

En 1964, le label Fantasy de San Francisco les prend sous contrat et les rebaptise les Golliwogs, ce qui sonne plus anglais… Mais en juin 1967, le succès n’est toujours pas au rendez-vous. John, qui revient de l’armée, prend les choses en main, compose des morceaux d’un genre nouveau et rebaptise le groupe Creedence Clearwater Revival. «Creedence» étant le nom d’un ami apportant une touche d’espoir (Credence = Croyance), « Clearwater », une marque de bière, mais «l’eau claire» n’est pas non plus dénuée de valeur symbolique, « Revival » enfin définissant ce qu’ils ont l’intention de proposer : un retour aux racines du rock 'n' roll.

Le résultat ne se fait pas attendre. En juillet 1968, Creedence Clearwater Revival sort son premier album éponyme sur lequel figurent trois reprises : « I Put A Spell On You », de Screamin' Jay Hawkins, « Ninety-nine and a Half » de Wilson Pickett et surtout «S uzie Q » de Dale Hawkins qui devient son premier succès, succès qui ira dorénavant croissant jusqu’en 1972. Les autres chansons sont toutes des compositions de Fogerty et laissent entrevoir ce que sera leur musique. Ce qui n’est encore qu’une impression est vite précisé par Bayou country, leur deuxième album qui sort en mars 1969 : une musique simple, voire simpliste, toujours construite selon le même schéma : intro de guitare « heavy », vocal franc et rugissant, improvisation de guitare et de nouveau vocal pour terminer, une rythmique solide, qui balance, et surtout un son original, aquatique, tout droit sorti des rives du Mississippi. On appelle déjà cela, le « Bayou beat » ou « Swamp rock » (le rock des marécages) bien qu’aucun des quatre musiciens n’aient jamais mis un pied dans le sud des Etats Unis. John Fogerty confirme : « j’ai rêvé toute ma vie de vivre dans le sud, tous les grands artistes de cette musique sont venus de Memphis ou de Louisiane, des rives du Mississippi, en tout cas. Des chanteurs comme Muddy Waters ou Howlin’ Wolf m’ont fait sentir combien il était bon de vivre là bas, au bord du fleuve ».

Bayou country est illuminé de trois perles : le sauvage « Born On The Bayou », le lent et inquiétant « Keep On Chooglin' », et surtout le célèbrissime « Proud Mary »  (n°2 des charts US) qui fera entrer John Fogerty dans la classe des plus grands auteurs-compositeurs. Le titre sera repris entre autres par Ike and Tina Turner et Elvis Presley. Bob Dylan dira qu’il aurait aimé écrire de cette ballade contant l’histoire simple d’un homme du sud, et qui d’après lui, est «la plus belle chanson de l’année 1969». Pendant cette période John Fogerty sera un créateur acharné. Après une tournée qui les mènera jusqu’à Woodstock, leur troisième album Green river sort dès l’automne 1969. Il contient lui aussi trois titres qui resteront dans les charts : « Green river »  qui se place numéro un, « Lodi » et « Bad moon rising ». L’album entier restera quatre semaines premier au hit parade et se vendra à plus de trois millions d’exemplaires aux USA.

A la fin de l’année 1969, avec leur quatrième album, Willy and the poor boys, puisant génialement dans toutes les formes de musique populaire américaine et disputant le titre de chef-d’œuvre du groupe avec Cosmo’s factory, Creedence Clearwater Revival est sacré meilleur groupe de l’année par Rolling Stone. Il a déjà vendu dix millions d’albums rien qu’en Amérique. En 1970, les musiciens forment le plus célèbre groupe mondial, juste derrière les Stones, les Beatles venant juste de se séparer. La musique de John Fogerty est physique, terrienne, ses mélodies sont évidentes (vous pouvez vous-même fredonner une petite dizaine de ses titres, trente ans plus tard) et font immanquablement naître l’excitation, sa démarche est toute en sincérité et sans artifice. Ce rock pur et dépouillé qui fera dire à certains critiques que Creedence est un groupe pour discothèque ! John Fogerty s’en défend à peine : « nous avons voulu faire de notre musique une chose distrayante qui pousse les gens à danser, nous voulions qu‘elle soit une fête, pas un acte politique, simplement un constat sur les bons et les mauvais cotés de la vie, un constat qui peut se faire dans la bonne humeur ».

Recette conventionnelle mais terriblement efficace : le cinquième album de Creedence Clearwater Revival, Cosmo’s factory, enregistré en juillet 1970, fera les meilleures ventes de leur carrière et sera considéré comme leur point culminant. Il aligne une série de hits imparables à bases d’ingrédients solides allant du son incroyable de l’intro de « Up around the bend » à la simplicité de la ballade de « Who’ll stop the rain »  (une parabole sur la guerre au Vietnam, « rain », ce sont les bombes) sans rien d’ostentatoire. Après ce sommet, Tom Fogerty décide de s’éloigner du groupe, Pendulum sera leur dernière collaboration. Une descente s’est amorcée, elle va se confirmer avec leur catastrophique dernier album : Mardi gras. Malgré quelques petites perles comme « Have you ever seen the rain ? » ou « Sweet Hitch Hiker », ces albums manquent de cohérence et d’enthousiasme. Fogerty reprend les claviers, évolue vers une complexité moins convaincante, et instaure une démocratie aux effets désastreux sur la créativité du trio.

La séparation de Creedence Clearwater Revival aura lieu le 16 octobre 1972. Elle sonnera le début de carrières solo plutôt médiocres. Quelques reformations occasionnelles ont lieu jusqu’au décès de Tom Fogerty en 1990. John Fogerty, toutefois, reste fidèle aux racines profondes de l’Amérique et parvient encore à nous faire rêver, avec des album comme Centerfield (1985) ou Blue Moon Swamp (1997), aux rives du Mississippi où pour une fois la voix de l’homme blanc se fond à la douceur de vivre.