Ladysmith Black Mambazo

Naissance

South Africa

Biographie

Depuis les années soixante, le groupe vocal (et paradoxalement masculin) Ladysmith Black Mambazo est l’ensemble a capella le plus célèbre d’Afrique du Sud. Spécialiste du style de chant puissant mbube, et de son dérivé plus harmonieux l’isicathamiya, né dans les mines du pays, lauréat de Grammy Awards en reconnaissance de ses qualités artistiques, l’attention internationale s’est portée sur Ladysmith Black Mambazo grâce à sa participation en 1986 à l’album de Paul Simon Graceland. On a également pu les entendre aux côtés de Ben Harper, Stevie Wonder, Dolly Parton, ou…l’English Chamber Orchestra. Depuis ses débuts, la troupe a connu plus de trente chanteurs différents, enregistré plus de quarante albums, et vendu sept millions de disques.

Allez en paix, amour et harmonie…Aimez-vous les uns les autres (Phrase clôturant rituellement les concerts de Ladysmith Black Mambazo).

Lorsqu’on est pauvre et noir et déshérité dans l’Afrique du Sud de l’apartheid, et qu’on doit s’occuper après la mort du père de famille, de ses huit frères et sœurs, on va travailler dans les mines, ou en usine. Et le soir, pour se délasser, on chante, par exemple dans la chorale de sa ville natale. L’inspiration vient la plupart du temps de l’isicathamiya, musique née dans les mines d’Afrique du Sud. Les ouvriers noirs partaient alors par train loin de leurs régions d’origine, et de leurs familles.

Chichement logés, et mal payés, ils n’avaient, pour seule distraction, et après une dure semaine de six jours de travail, que les chorales du dimanche matin, et les danses sur la pointe des pieds (afin de ne pas alerter les gardiens du camp où ils résidaient). Lorsque les mineurs regagnaient leurs villages (ce qui fut le cas d’un certain Joseph Shabalala), ils emportaient cette tradition musicale avec eux, se lançant alors dans une farouche compétition entre groupes.

J'ai fait un rêve

Qui dort dîne, mais fait aussi de la musique, parfois : c’est en effet en rêvant que Joseph Shabalala, de retour au pays, imagine la création d’un groupe vocal. Nous sommes en 1964, dans cette province sud-africaine du Kwazulu-natal, où la ville de Ladysmith (qui doit son nom à l’épouse d’un gouverneur britannique du Cap), accueille les populations déportées par l’apartheid. C’est donc cette année-là que voit le jour la première mouture (The Blacks) de Ladysmith Black Mambazo. Le nom de l’ensemble (composé de cousins, frères, et amis) s’inspirera en effet de sa ville d’origine, du bœuf noir symbole de force, et du mambazo (symbole, lui, du pouvoir zoulou de la hache).

Déjà disque d'or

Après avoir, au gré de divers concours et autres radio-crochets, éreinté la concurrence, Ladysmith enregistre un premier album (certifié disque d’or, ce qui est une première dans le contexte de la musique africaine) en 1973. Une conversion au christianisme du leader provoque l’enregistrement de chants religieux (Ukukhanya, double album de platine en 1975, et Ukusindiswa l’année suivante).

Graceland

Les années quatre-vingt voit le groupe assurer ses premières tournées européennes (en particulier en Allemagne), et le déclic vient naturellement de la participation de Shabalala et de sa troupe à l’album Graceland (1986) de Paul Simon (subjugué par les harmonies vocales), ce qui permet à d’autres ensembles (dont Mahlathini And The Mahotella Queens, qui virent l’une de leurs chansons adaptées en français par Lizzy Mercier Descloux sous le titre de « Où sont passées les gazelles ? ») de jouir également d’une renommée dépassant les frontières. Bien qu’on ait reproché au groupe de s’être vendu au diable colonisateur, les dix millions de copies écoulées de Graceland offrent la planète à Ladysmith.

Musique et cinéma

Paul Simon, en probe renvoi d’ascenseur, produit trois albums des Sud-Africains : Shaka Zulu (Grammy Award du meilleur disque de musique traditionnelle en 1987), Journey of Dreams (1988) et Two Worlds, One Heart (1990), où est invité le roi du funk intergalactique George Clinton.

Ladysmith participe en 1988 au film Moonwalker, compilation de clips et moyen métrage de Jerry Kramer, mettant en scène Michael Jackson. L’année suivante, son nom apparaît au générique de A Dry White Season (Une saison blanche et sèche, d’Euzhan Palcy), avec Marlon Brando.

Premier meurtre

Son frère ayant été assassiné par un vigile blanc en 1991, au cours de ce qui est considéré comme un crime raciste, Shabalala prend quelque temps ses distances avec le monde de la musique, puis se consacre, à partir de 1992, au théâtre, et en particulier aux pièces traitant de l’apartheid (pour le théâtre de Chicago, ou les scènes new-yorkaises de Broadway).

Espoir

Mais la libération de Nelson Mandela et la fin de l’apartheid convainc le chanteur, revenu aux affaires, d’enregistrer l’album Liph’ Iginiso (1993). Ladysmith est présent la même année lors de la remise du Prix Nobel de la Paix à Mandela à Oslo. Il est encore là, l’année suivante, lors de l’investiture du premier président noir d’Afrique du Sud.

On peut également entendre le groupe lors de la cérémonie inauguratrice des Jeux Olympiques d’Atlanta (1996). En 1998, on le retrouve dans la bande originale du film Le Roi Lion 2.

En 1999, Shabalala crée une fondation visant à initier les jeunes zoulous à la musique. En 2002, le groupe enregistre l’album Wenyukela, et participe à Londres aux festivités du jubilé de la Reine Elizabeth II, au cours desquelles il interprète avec Paul McCartney « All You Need is Love » et « Hey Jude », des Beatles. 

Deuxième meurtre

La même année, l’épouse de Shabalala est assassinée. En 2003, Ladysmith participe à la musique du film League of Extraordinary Gentlemen, avec Sean Connery.

En 2005, le groupe obtient un deuxième Grammy Award pour l’album Raise Your Spirit Higher.

En 2006, l’album Long Walk To Freedom (qui est également le titre de l’autobiographie de Mandela), accueille Emmylou Harris, Taj Mahal, Hugh Masekela, et nombre d’autres artistes internationaux. En appui du disque, le groupe donne un concert au Carnegie Hall de New York, sur la scène duquel les rejoint le chanteur Pete Seeger.

Le dernier album en date s’intitule Ilembe : A Tribute To King Shaka. Joseph Shabalala est professeur d’ethnomusicologie à l’université du Natal. En garant des traditions de l’Afrique du Sud ancestrale, Ladysmith Black Mambazo est considéré dans son pays comme un trésor national. Sa renommée n’est supplantée que par l’icône de tout un continent, l’incomparable Miriam Makeba.