Art Ensemble of Chicago

Naissance

Chicago, Illinois, United States

Biographie

Plus qu'un simple groupe d'avant-garde, l'Art Ensemble Of Chicago représente une entité, une formation basée sur un fonctionnement collectif, une coopérative artistique, unique dans l'histoire du jazz afro-américain. Dès ses débuts, en 1969, considéré comme le chantre du free jazz, l'AEC se veut plutôt artisan de la Great Black Music, concept mêlant jazz moderne, free, bop, jazz de la Nouvelle-Orléans, musiques africaines, reggae, soul, et, éventuellement, musique de chambre ou atonale. Ses membres, tous multi-instrumentistes, s'affirment en fait comme créateurs de la première musique du monde.

Le trompettiste Lester Bowie (né en 1941, dans le Maryland) débute sa carrière comme chef du New Jazz Quintet de Saint-Louis, puis directeur artistique de la chanteuse Fontella Bass (dont il sera le compagnon), et accompagnateur des grands noms du rhythm'n'blues des années soixante (Rufus Thomas, Solomon Burke). Le batteur et percussionniste Famoudou Don Moye (né à Detroit en 1946) est un compagnon précoce de Pharoah Sanders, ou Steve Lacy. Le saxophoniste Roscoe Mitchell (né à Chicago en 1940) commence son parcours de musicien professionnel dès 1961, aux côtés du batteur Jack DeJohnette. Joseph Jarman (né en 1937, lui aussi à Chicago) promène sa clarinette et son saxophone, aussi bien dans des groupes de rock'n'roll, qu'en 1965, en compagnie du musicien contemporain John Cage. Malachi Favors Maghostut (né en 1937 dans le Missouri), croise dès 1952 sa contrebasse avec l'ensemble des musiciens de la scène de Chicago, dont le trompettiste Freddie Hubbard.

AACM

Le début des années soixante voit l'ensemble de ces musiciens participer à diverses formations (comme le Roscoe Mitchell Art Ensemble, à laquelle s'intègre le batteur Philip Wilson, qui rallie par la suite le Paul Butterfield Blues Band), généralement sous l'égide de l'Association for the Advancement of Creative Musicians (AACM), structure visant à améliorer les conditions d'existence des artistes de Chicago.

Art Ensemble : un quatuor

En 1969, la première mouture de l'Art Ensemble (alors quatuor sans batteur formé de Jarman, Favors, Bowie et Mitchell) s'installe à Paris. C'est en France, et sur le label indépendant Byg, que la formation enregistre en effet son premier album (A Jackson In Your House, juin 1969). Les sessions ne sont que les premières d'une longue liste, qui voient l'AEC enregistrer, soit au complet (Comme A La Radio, en backing-band de Brigitte Fontaine), soit en ordre dispersé (Blasé, d'Archie Shepp) un nombre imposant de disques. L'Art Ensemble of Chicago, qui s'est installé dans le théâtre parisien du Vieux-Colombier, construit alors sa réputation sur l'utilisation d'un grand nombre d'instruments inusités (allant des cloches, au timbre de bicyclette, jusqu'à cinq-cents instruments différents), et en se présentant en concert en costumes africains, et le visage fardé.

Art Ensemble : un quintet

Au printemps 1970 est recruté le batteur Famoudou Don Moye, qui séjourne alors à Paris. Le rythme des enregistrements ne ralentit pas, et les disques majeurs s'accumulent (Les Stances à Sophie, musique d'un film avec Bernadette Lafont ; With Fontella Bass), avant le retour à Chicago en 1971, et la priorité octroyée aux projets personnels. L'Art Ensemble se retrouve néanmoins en studio en 1972 (Fanfare for The Warriors, paru chez Atlantic).

Ouverture

Après la création de son propre label (AECO), la formation concrétise une renommée, essentiellement européenne, en signant en 1978 un contrat sur le label allemand ECM (Nice Guys, 1979). Plus accessible, la musique des Américains se nourrit désormais de funk, et intègre le synthétiseur, développant la notion de Great Black Music, mêlant entre autres percussions africaines, et cloches tibétaines. A partir de 1985 et pour cinq ans, l'Art Ensemble se retrouve sur un label japonais, et se voue à l'interprétation des grandes pages du répertoire (de Thelonious Monk à Otis Redding, en passant par Jimi Hendrix, et John Coltrane). En intégrant une chorale d'Afrique du Sud, le groupe devient même ponctuellement l'Art Ensemble Of Soweto.

Disparitions et départs

De 1993 à 1996, Jarman délaisse la musique, pour se consacrer à...l'aïkido. En 1998, Bowie quitte l'Art Ensemble pour raisons de santé : il décède d'un cancer l'année suivante. Réduit à un trio, l'Art Ensemble enregistre un Tribute To Lester Bowie (2003). Malachi Favors Maghostut est décédé, également victime d'un cancer, le 31 janvier 2004, durant les sessions d'enregistrement de l'album Sirius Calling. Les deux sont remplacés par le trompettiste Corey Wilkes (qu'on a pu entendre aux côtés des frères Marsalis), le contrebassiste Jaribu Shahid, et, plus ponctuellement, le percussionniste malien Baba Sissoko (accompagnateur de Rokya Traoré, ou Amadou et Mariam).

L'Art Ensemble Of Chicago reste comme la plus inventive formation du jazz d'avant-garde des années soixante-dix et quatre-vingt.